Maroc / photographie / Hakim Benchekroun / C’EST ECRIT DANS LA PIERRE ET DANS L’OMBRE AUSSI

Le lieu n’a pas de nom. Mais c’est sans importance, parce qu’il appartient à des histoires simultanées et successives, qui ont été de façon diverse, dans des éclairages et des fonctions que le photographe suggère. Le photographe a un nom. Il s’appelle Hakim Benchekroun. L’image est celle d’un mur qui porte des empreintes, la marque d’un escalier, des points d’ancrage.

Les images d’Hakim fonctionnent en résonnance. D’autres photographies ont accompagné celle-ci, à l’image de l’escalier céleste qui monte droit vers le ciel et qu’emprunte une silhouette. Ici on est dans son « négatif ». « Il y a cette solidité, cette rigidité et en même temps de quelque chose d’absurde, » à savoir ce mur et cet escalier qui n’aboutit sur rien. Le photographe oppose deux figurations: « l’une participe de l’ornement, dans une gratuité totale de l’art, » et la seconde renvoie à la brutalité industrielle et cette superposition des temps qui est centrale dans tout son travail. Au travers de cette plateforme, suggère-t-il, le mur permet de comprendre l’articulation du temps.

A l’observer avec attention, on comprend déjà qu’il a été construit pour une plateforme en métal, aujourd’hui disparue, « ce plan horizontal qui était agrégé au béton et dont tu vois les marques. » Et c’est aussi ce qui explique l’escalier. Le photographe devient un archéologue contemporain. « Tu vois des choses qui était fixes et durables, et d’autres qui étaient de l’ordre de l’amovible. Et si tu viens pousser çà, c’est l’idée de mélange entre le passé, le présent et le futur. Du présent immuable, du futur avec la projection de l’ escalier (…) et du passé, ne serait-ce qu’avec l’idée d’excavation du sens architectural. »

Qui est son antithèse, ou… à un autre moment, pour d’autres raisons, l’escalier parvient à atteindre le ciel ?

,

La photographie d’ Hakim Benchekroun pourrait enfin s’apparenter à une découverte géologique. Est-ce l’objet lui-même que l’on voit ? Ou son empreinte ? Les fossiles sont de la même matière. A la fois le coquillage et la trace que celui-ci a laissé dans une écorce de pierre. La photographie transcrit le corps et son ombre. Comme il le dit lui-même, peu importe le lieu et l’endroit, il s’agit d’une catastrophe dont on se souvient à présent, d’un temps qui nous échappe et qui a laissé des traces durables, des aliénations, des paralysies. Et il ne nous reste que ces traces. Sa photographie n’a donc rien d’un instant romanesque. L’escalier que l’on devine ne mène nulle part et aucune ombre ne le remonte. Il s’agit d’un lieu fantomatique certes, mais avant tout d’un lieu spolié, et dont la fonction première nous échappe. Ce qui est bien dommage. Dans cette ruine, Hakim promène l’iris noir de son objectif. Il croise une carcasse abandonnée, une chorégraphie figée dans le béton et dont il faut redécouvrir le sens. 

,

« Lost in Morocco », de Hakim Benchekroun. Du 28 janvier au 20 avril 2023, galerie Abla Ababou, à Rabat (Maroc).
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : DR and by courtesy galerie Abla Ababou.
A lire :  https://zoes.fr/2023/03/18/maroc-photographie-hakim-benchekroun-au-matin-la-poussiere-qui-senvole/

Laisser un commentaire

Site Web créé avec WordPress.com.

Retour en haut ↑