L‘ image est prise en mars 1997, dans le studio new-yorkais de Barron Claiborne. Il s’agit d’une série intitulée « Le roi de New York ». Sous la couronne, apparait The Notorious B.I.G. Ce fut une séance photo assez mémorable. The B.I.G est un rappeur très en vue de la scène US et que lui mettre ça sur la tête était sacrément risqué. Pas de mal de gens craignaient que ça rappelle une pub pour Burger King.
A cette époque, Barron Claiborne est un mec très porté sur l’expérimentation. Tout ce qui lui tombe sous la main est bon pour prendre de l’image. Il a utilisé du grand format, du 8×10, du Polaroïd, des boîtes en carton percées d’un trou d’épingle, des jouets plastiques. Et dans cette liberté absolue, ses décors sont à la même mesure, des lieux baroques, des déguisements fantasques, qui peuvent rappeler ses origines sud-américaines, religieuses et païennes. Dans cet élan, Barron Claiborne a bossé pour The New York Times, The New Yorker, Rolling Stone, Esquire et Interview… Il a flashé une quantité impressionnante de stars, mais aussi des petites gens du Mississipi, des fermiers dans la misère, des ouvriers en bout de course, assis dans les décombres de l’Amérique.
Cette image a été construite de la même façon, avec ce même souci de l’excellence. The B.I.G est superbe, c’est « la Joconde du hip-hop ». Barron est allé chercher une couronne à deux dollars dans une boutique et lui a fait enfiler un costard. « 𝘛𝘶 𝘢𝘴 𝘭’𝘢𝘪𝘳 𝘪𝘯𝘤𝘳𝘰𝘺𝘢𝘣𝘭𝘦 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘶𝘯 𝘤𝘰𝘴𝘵𝘶𝘮𝘦. 𝘛𝘶 𝘦𝘴 𝘨𝘳𝘢𝘯𝘥, 𝘷𝘳𝘢𝘪𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘮𝘢𝘨𝘯𝘪𝘧𝘪𝘲𝘶𝘦… ». et tant pis si la couronne est un petit peu trop petite. Sean « Diddy » Combs, alors PDG du label Bad Boy Records, émet des doutes. Le rappeur et le photographe ne l’écoutent pas. C’est ce cliché-là qui est le bon.
Trente ans ont passé. Trois jours après cette prise de vues, The Notorious B.I.G est mort, à la suite d’une fusillade en voiture. En septembre 2020, la couronne en plastique que Claiborne avait achetée six dollars, était vendue aux enchères chez Sotheby’s pour 594 750 $. C’est une photo formidable, c’est celle d’un roi dans un rêve polaroïd, un instantané de l’éternité.
» Quand vous lui avez demandé de faire une photo, il l’a juste fait. Il ne s’est jamais plaint. (…) C’est un peu triste, parce qu’il a quitté mon studio pour aller à l’aéroport, pour aller là-bas où il a été tué. C’était deux ou trois jours avant. Il est allé à l’aéroport de chez moi. » Barron Claiborne

RC (ZO mag’)
Photos : by courtesy Barron Claiborne
A lire : https://www.annenbergphotospace.org/person/barron-claiborne/
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