Egypte/ Photographe / Amina Kadous / LA VERITE AU FOND DU PUIT

Le temps qui passe, le temps qui revient, le temps perdu, gaspillé, en lambeaux, le temps qui court… Le temps qui n’est plus. Toute la question photographique d’Amina Kadous est dans cette interrogation. Elle pose sur la matière temporelle et fluctuante un appareil capteur de tressaillements. Les lieux sont à la même image. Désertés. Des espaces qui ont été et en portent encore la trace, mais en cours d’effacement. Il faut creuser ce terrain, répète-t-elle souvent, comme elle le dirait d’une fouille immense, humaine, dans ce pluriel atomique que nous sommes, pour nous retrouver et nous comprendre. C’est là, dans les soubassements de l’édifice, dans le cortex minéral de la pyramide, qu’une partie de la réponse se trouve. La réponse au présent.

En s’intéressant au coton, Amina Kadous, jeune femme du Caire, le soumet à son objectif analytique et personnel. Le coton est profondément associé à son histoire affective. « Les premières graines de mon identité ont été plantées à El Mehalla Al Kobra, ma maison et le coton égyptien, » dit-elle en introduction de ce travail intitulé « White gold », retenu pour le CAP 2022. Trois générations de sa famille ont travaillé dans ce domaine et celui de la soie. Elle s’intéresse donc à remonter le courant, pour voir ce qu’il en reste, dans une modernité qui a sensiblement bouleversé la donne. « Que reste-t-il de ces fleurs fanées ? », et en en substance, quel impact, quelles retombées sociales (ou l’inverse), quels liens au commerce mondial et à la loi du marché ? « Qu’est-ce qui aurait pu être, qu’est-ce qui pourrait encore être et qu’avons-nous perdu ? », résume-t-elle un peu plus loin.

Les photographies d’Amina Kadous entretiennent une forte charge émotionnelle. Par ce biais, elle pose beaucoup de questions et notamment celles liées aux conséquences de nos actes. Il ne s’agit pas d’images brouillées par le pathos, mais au contraire d’interrogations vives comme des lames. Tout au long de sa jeune carrière, des clichés le confirment, à l’image de cette fissure, dans un mur surplombant une friche urbaine, ou encore de celle qui introduit « White gold ».

Il s’agit d’un puit industriel. Sa nature nous est inconnu. Tout juste suppose-t-on une modernité extrême, comme celle d’un réacteur atomique. Le sol est en béton, creusé d’alvéoles. Un homme, une femme est au centre et lève les yeux vers le sommet de cette immense cuve. Il (elle) interroge dans ce lieu hors du temps, les raisons de la désolation.

« Qu’est-ce qui aurait pu être, qu’est-ce qui pourrait encore être et qu’avons-nous perdu ? », Amina Kadous.

« Et lorsque j’explore de tels endroits, je suis toujours impressionné par la poussière, la rouille, les textures de l’âge et les significations qui se cachent derrière de telles images… (…) autant un endroit peut être vieux et crasseux, je suis obsédé par l’ambiguïté de ces détails et des contes cachés. »  Amina Kadous (https://aminakadous.com/if-this-city-would-talk)

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: Amina Kadous

Repères:
Amina Kadous est née en 1991 à El Mehalla (Egypt). Elle a obtenu son baccalauréat en beaux-arts de l’Université Tufts et de l’École du Musée des beaux-arts de Boston (MA, USA). Son travail aborde les concepts de mémoire et d’identité.
Elle vit et travaille au Caire.

Expositions (sélection):
2022: ast Forward – Time, Life and Longing, Cortona on the Move, Alula, (Arabie Saoudite).
2021: « More Than A Number », fotogallery, Cardiff (Pays de Galles).
2021-2023: « Through the Lens », Musée Tropen, Amsterdam (Pays-Bas).
2021: « Nouvelles histoires et horizons », Townhouse Gallery (GB).
      Roznama 8 Exposition d’arts visuels, CIC, Le Caire (Egypte).
2020:  « Mes choses préférées », Galerie Mahrabeia, Le Caire.
      1-54 African contemporary Art Fair avec The Photographic Collective, Londres (GB).
      Welcome Home Vol.II Exposition , Musée d’Art Contemporain Africain Al Maaden, Marrakech (Maroc).
      Point de vue Sharjah 8 (VPS8), Al Hamriyah Studios, Al Sharjah
      Estate Fotografia 2020, Siracusa (Italie).
      « Connecting views: Talents from the APJD  », Afrika Museum , Berg en Dal (Pays-Bas).
2019: 12e édition Les Encontres de Bamako, Biennale Africaine de La Photographie (Mali).
      Cairographie- Plusieurs états de la jeunesse, Le Caire.
      Hakawi – Contes de l’Égypte contemporaine, Cité Internationale des Arts, Paris (France).
       » Soft Hands » AlAydy AlNaema , Seek The Nook, Zamalek (Egypte).
2018:  Cairo Photo week, SARD Exhitbition, Photopia, Le Caire.
      OFF Something Else Biennale Cairo, Darb 1718 (plusieurs lieux), Le Caire.
2017:  City as Agent of Change, Townhouse Rawabet, Le Caire.
2016:  THAT ART FAIR, Le Cap, Afrique du Sud.

Elle a été sélectionnée cette année pour le CAP Prize for Contemporary African Photography).
Website: www.aminakadous.com

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