Avant de regarder sa peinture, il faut imaginer (juste une seconde) la distance qui sépare la main et le tableau. Pour en arriver à cette clarté du dessin et de la couleur, Bruce Tchibozo a franchi une distance immense. On ne peut y parvenir seul.
Pendant de nombreuses années, Tchibozo a travaillé dans des entreprises privées. Il a suivi une formation professionnelle en Génie civil (BTS 1998), après des études de sociologie à l’université d’Abomey-Calavi (1996). Tout va très bien jusqu’en 2012 où le ciel devient très sombre. Brusquement. Pendant cinq ans, Bruce suit plusieurs traitements psychiatriques, avant de rencontrer le photographe Louis Oke-Agbo. Ce dernier vient d’ouvrir son centre « Vie et solidarité » à Porto-Novo (2017). Louis est photographe donc, mais aussi thérapeute.

Il faut beaucoup de temps et puis un jour la main (re)trouve un chemin. Les peintures de Bruce sont des leçons de clarté. Rouges et bleus appliqués sur des surfaces planes, des ciels, des mers, des collines que rien ne trouble. Ses christs montés en croix n’inspirent plus de réels soucis, et pourtant la lance les a frappés. Et puis ces femmes nourricières, dans la sécheresse de leur pauvre corps, comme des puzzles, ou des processions sacrées, qui vont. Parce que l’ailleurs est possible.

Le temps a passé, sur la table. Le papier est à cette image, il résonne différemment que cette image de Bruce, dans une maison tellement sombre, qui est le cadre de son portrait « officiel ». Et tout à coup, dans cette proximité des deux figurations, la chose peinte et l’auteur vivant, on mesure la distance qui va, entre le ciel et la chair.
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Haïti, Africa, Bruce Tchibozo, du 26 mai au 25 juin 2022, galerie Polysémie, 12 rue de la Cathédrale, Marseille (France). Tél.: 06 07 27 25 58.
RC (ZO mag’)
Photos, by courtesy galerie Polysémie
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