Dans les années 90, les relations entre les Etats-Unis et Cuba ont des conséquences permanentes sur la production artistique de l’île. A l’image des heures les plus tendues de la Guerre froide, les créateurs subissent des contrôles sévères. Pour nombre d’entre eux, la fuite reste l’unique alternative. Le jeune peintre Alexis Leyva Machado -il est alors âgé de 24 ans-, choisit d’illustrer cette réalité. Elle sera le premier fondement de son travail. Kcho, son nom d’artiste, commence à dessiner et peindre des barques, ces mêmes embarcations qui permettent (dangereusement) aux artistes de quitter l’île.

« Ce furent les années de migration incessante des artistes visuels les plus importants de Cuba vers le Mexique, Miami et l’Espagne… Pour beaucoup, la mort de toutes les utopies avait été décrétée, » écritAbelardo Mena Chicuri, dans un ouvrage consacré à Machado. En 1994, le peintre produit ses premiers dessins qui figurent les barques dans des entassements fragiles, montées les unes sur les autres, et auxquelles s’accrochent les réfugiés.
« Ce furent les années de migration incessante des artistes visuels les plus importants de Cuba vers le Mexique, Miami et l’Espagne… Pour beaucoup, la mort de toutes les utopies avait été décrétée, »
Deux ans plus tard, le Museum Of Modern Art de New York ne s’y est pas trompé. Il va acquérir l’une de ses œuvres majeures, la « Columna Infinita », qui est l’une de ces constructions précaires, amoncellement de rames et de coques, jetées à la mer. « C’est un symbole de l’utopie socialiste qui ne fonctionne pas… C’était quelque chose comme : faisons du café avec cette spirale. Il faut que ce soit bon pour quelque chose », écrit-il un peu plus tard, à propos de l’un de ses sculptures qui reprend le thème de l’hélice.

Totalement inconnu en France, le peintre cubain reçoit donc un éclairage bienvenu de la galerie Vallois (Paris), qui l’expose ce mois de mars (jusqu’au 2 avril). L’époque actuelle et le drame de la Méditerranée remettent une fois encore cette réalité de l’exil forcé en lumière. Pourtant si le choix est judicieux, on s’étonne que toute explication du travail soit gommée dans le document de présentation. Le critique évoque la traite des esclaves, l’invasion des conquistadors et se sert donc de la barque comme d’une métaphore au passé maritime de l’île. Pas un mot sur le contexte politique et l’engagement de Kcho à cet instant de l’histoire. L’oubli est étonnant.
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Kcho, du 3 mars au 2 avril 2022, Galerie Vallois (Paris)
https://www.galerierobertvallois.fr/modernecontemporain/actualite/263
RC (ZO mag’)
Photos: by courtesy galerie Vallois
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