Iran / Peintures /Zahra Zeinali / LE CAUCHEMAR SUSPENDU

A l’époque où les tribus nomades se déplacent, les femmes des plateaux iraniens fabriquent pour leurs filles une poupée qui s’appelle Leyli. Le nom change selon la région, mais elle tient toujours un rôle essentiel. Elle est la mère et la sœur, elle est la belle mariée, la magicienne et la confidente. Son rôle est identique partout dans le monde. Leyli est éducative, elle est affective, elle est là pour raconter l’histoire et l’inventer aussi.

Il venait d’être amputé de la jambe et je devais prendre le plus grand soin de lui.

Zahra Zeinali réalise-t-elle dans ses récents tableaux le même chemin ? La peintre iranienne a enseigné pendant quinze ans aux enfants de Téhéran les arts plastiques. Sur une feuille de papier, dans le découpage de la couleur ou le modelage du plâtre, de raconter, c’est-à-dire de mettre une forme sur leur envie, leur peur, sur le possible plaisir et l’effroyable impossible. En 2015, au moment où elle quitte Téhéran et arrive en France, le pays vient de subir les attentats du Bataclan. « Il n’y a pas de paradis sur terre, » dit-elle parfois. S’il est difficile de faire un lien, disons que cette époque est celle où elle commence à introduire dans ses toiles la poupée. Un hasard sans doute, dans la visite d’une brocante, ce jouet abandonné, cette créature de roseau et de porcelaine ouvre une porte nouvelle, figurative et onirique, à ses peurs et son besoin de paix.

de mettre une forme sur leur envie, leur peur, sur le possible plaisir et l’effroyable impossible.

Dans les toiles qu’elle vient de présenter à la galerie Claire Corcia, Zahra Zeinali rétablit la scène, d’une façon théâtrale, à l’abri du rideau qui se lève, elle peut enfin dire. Il existe en Iran, dans le théâtre de marionnette, un personnage important qui s’appelle Pahlevan Kachal. Il s’agit d’un héros populaire, libre de parole et de geste, qui n’hésite à aucun mot, à aucun règlement de compte, qui ignore l’ordre établi et la menace du bâton. Zahra Zeinali a retrouvé sur la toile une identique liberté. Tout juste s’exprime-t-elle de manière symbolique, dans des procédés magiques, sur des tonalités remplies de mystère. Ses poupées participent à d’étranges cérémoniaux. Les esprits sont ici et là et participent à ces échanges libres, comme le sont toutes les magies.

Enfin, il serait injuste de limiter ce travail singulier au seul exercice thérapeutique. S’il est libérateur, le pinceau de Zahra Zeinali est celui d’une peintre. Et sur ce point, aucun trouble à le dire, aucune hésitation. Il faut plonger dans ses fonds, qui sont les rideaux de la réalité. Il faut s’attarder à ces visages suspendus, un instant cette fixité qu’elle surprend. Ce n’est pas un hasard si la peintre iranienne rappelle son amitié pour Paula Rego et ses « Contes cruels ». Celle-ci avait quitté Lisbonne à l’époque du dictateur Salazar. Elle était passée, comme Zeinali, de l’abstraction à la figuration, et dans cet infernal (dés)ordre, elle peint également des danseurs sous des masques, des fées cauchemar et des Pietà pathétiques tenant des Christs vieillissants. La même veine court le long du bras ! Zahra Zeinali, peintre du cauchemar suspendu.

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Le monde invisible, Zahra Zeinali, du 22 décembre au 2 janvier 20022, galerie Claire Corcia (Paris).
https://galerieclairecorcia.com/
RC (ZO mag’)
Photos: Z. Zeinali, and by courtesy galerie Claire Corcia.

Repères :
Zarah Zeinali est née en 1975 à Téhéran (Iran).
Elle est diplômée en art plastique à l’université de Téhéran (2001-2007). A enseigné aux enfants pendant une quinzaine d’années.
Etudie actuelle la photographie, école EFET (Paris).

Vit et travaille en France depuis 2012.

Expositions Individuelles
2018 : « Alerte rouge », galerie Linda Farrell, Paris (France).
2016 : « Souffrance infinie », galerie Monod, Paris.
2015 : « Sans titre », galerie Pendar, Téhéran (Iran).

Expositions collectives
2019 : « La guerre à la radio », Maison des artistes, Téhéran (Iran).
     « 1+12 » à la galerie Asse, Téhéran.
     « Transformation », galerie Aliha, Téhéran.
2017 : Exposition sans titre à la galerie Linda Farrell, Paris.
2007 : 1er Festival national du tourisme « Notre Iran », Orumiyeh (Iran).
2006 : Festival de l’artisanat, Shiraz (Iran).
2005 : Exposition sans titre, galerie Laleh, Téhéran. 

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