Mozambique / Cassi Namoda / L’APAISEMENT VIENDRA

Un matin, la force de la vie, la volonté d’apaisement l’emportent sur la douleur. Ce n’est en aucune façon de l’amnésie. La peinture de Cassi Namoda est à l’image des rues de Maputo. Il s’en dégage au premier regard un apaisement.

Et c’est sa volonté de le peindre, comme d’ouvrir les fenêtres de la maison, pour bénéficier de cette brise légère qui baigne le front de mer. Dans la capitale du Mozambique, après quatre siècles cruels d’occupation portugaise, au terme d’une guerre civile qui a vu mourir un million de personnes, la puissance de douceur agit avec force. Les tables sont mises. On est en période de fête. La musique monte des rues.

En janvier 2020, au moment de son exposition à Londres, elle l’expliquait ainsi : «𝘋𝘢𝘯𝘴 𝘭𝘢 𝘷𝘪𝘦 𝘢𝘧𝘳𝘪𝘤𝘢𝘪𝘯𝘦, 𝘥’𝘢𝘱𝘳𝘦̀𝘴 𝘤𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘫’𝘢𝘪 𝘰𝘣𝘴𝘦𝘳𝘷𝘦́, 𝘪𝘭 𝘺 𝘢 𝘶𝘯𝘦 𝘢𝘤𝘤𝘦𝘱𝘵𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘲𝘶’𝘪𝘭 𝘯’𝘺 𝘢 𝘱𝘢𝘴 𝘥𝘦 𝘣𝘦́𝘯𝘦́𝘥𝘪𝘤𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘴𝘢𝘯𝘴 𝘴𝘢𝘤𝘳𝘪𝘧𝘪𝘤𝘦. 𝘊’𝘦𝘴𝘵 𝘤𝘦𝘵 𝘦́𝘲𝘶𝘪𝘭𝘪𝘣𝘳𝘦 𝘧𝘰𝘯𝘥𝘢𝘮𝘦𝘯𝘵𝘢𝘭 𝘲𝘶𝘦 𝘫𝘦 𝘴𝘰𝘶𝘩𝘢𝘪𝘵𝘦 𝘷𝘦́𝘩𝘪𝘤𝘶𝘭𝘦𝘳 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘮𝘰𝘯 𝘵𝘳𝘢𝘷𝘢𝘪𝘭. » Depuis son enfance, la peintre a vécu entre l’Afrique, les États-Unis, Haïti. De son père qu’elle nomme peu, elle dit qu’il était Blanc et s’étonnait des choses qui sont la vie africaine. La notion du temps, la perte supposée de celui-ci, mais aussi le rapport à la mort, à la magie, le dialogue ininterrompu avec l’invisible, la notion d’anciens et cette harmonie que l’on entretient à vivre ainsi, ensemble, comme dans un repas familial. Les morts aux mêmes tables, riant du même rire. Elle met en scène ces instants, parce que dit-elle encore, « 𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘮𝘦𝘮𝘣𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘴𝘰𝘤𝘪𝘦́𝘵𝘦́, 𝘤’𝘦𝘴𝘵 𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘮𝘦𝘮𝘣𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘧𝘢𝘮𝘪𝘭𝘭𝘦, » c’est porter le nom, c’est chérir cette mémoire.

«𝘋𝘢𝘯𝘴 𝘭𝘢 𝘷𝘪𝘦 𝘢𝘧𝘳𝘪𝘤𝘢𝘪𝘯𝘦, 𝘥’𝘢𝘱𝘳𝘦̀𝘴 𝘤𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘫’𝘢𝘪 𝘰𝘣𝘴𝘦𝘳𝘷𝘦́, 𝘪𝘭 𝘺 𝘢 𝘶𝘯𝘦 𝘢𝘤𝘤𝘦𝘱𝘵𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘲𝘶’𝘪𝘭 𝘯’𝘺 𝘢 𝘱𝘢𝘴 𝘥𝘦 𝘣𝘦́𝘯𝘦́𝘥𝘪𝘤𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘴𝘢𝘯𝘴 𝘴𝘢𝘤𝘳𝘪𝘧𝘪𝘤𝘦. 𝘊’𝘦𝘴𝘵 𝘤𝘦𝘵 𝘦́𝘲𝘶𝘪𝘭𝘪𝘣𝘳𝘦 𝘧𝘰𝘯𝘥𝘢𝘮𝘦𝘯𝘵𝘢𝘭 𝘲𝘶𝘦 𝘫𝘦 𝘴𝘰𝘶𝘩𝘢𝘪𝘵𝘦 𝘷𝘦́𝘩𝘪𝘤𝘶𝘭𝘦𝘳 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘮𝘰𝘯 𝘵𝘳𝘢𝘷𝘢𝘪𝘭. » Cassi Namoda

Il fait donc un temps exquis sur le front de mer. Les immeubles coloniaux ont cessé d’être des symboles de la cruauté, les immeubles soviétiques tombent en ruines. Leur rigueur est inadaptée. Les branches des arbres s’agitent doucement. Leur disposition, leur architecture garantissent un repos. Et pourtant, rien n’est omis. Ce n’est pas un oubli enfantin, mais un stoïcisme profond, la capacité d’endurer, d’aller au bout de cette immense fatigue et de renaître encore. « 𝘝𝘪𝘷𝘳𝘦 𝘭𝘰𝘯𝘨𝘵𝘦𝘮𝘱𝘴, 𝘤’𝘦𝘴𝘵 𝘷𝘰𝘪𝘳 𝘣𝘦𝘢𝘶𝘤𝘰𝘶𝘱 » est en ce sens nécessaire. L’exposition vient chercher dans un principe de survie, le remède rédempteur, cette herbe poussée sur le bord du chemin. On marche beaucoup, on voit beaucoup, on sait ouvrir l’horizon pour qu’il apaise la faim, qu’il étanche la soif.

« Vivre longtemps, c’est voir beaucoup », du 21 nov. 2020 au 16 janv. 2021.
Goodman Gallery, Johannesburg, Afrique du sud.
Roger Calmé (ABA mag’)
Photos : DR et © Cassi Namoda

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