Françoise Semiramoth / C’est un homme, c’est un animal.

Le Caravage, peintre du 16ème siècle n’a jamais vu les Antilles. Il peignait à la l’abri de la lumière. Il habitait l’ombre. Un jour, dans un palais italien, il a croisé Françoise Semiramoth. De cette rencontre est né un dialogue. C’est un lézard qui assurait la traduction.

On peut se promener dans une peinture comme dans un bâtiment. Le guide vous dit qu’il a été construit il y a plusieurs siècles et que l’architecte était un curieux bonhomme. Il y a dix ans, Françoise Semiramoth a visité deux tableaux. Notamment le « Narcisse », du Caravage, peintre italien du 16ème siècle, l’une des premières oeuvres qui lui ait posé des questions. « Ce sont des toiles qui cachent des choses, avec de l’ombre, des visages en arrière-plan, très peu visibles. J’avais envie de les réinterpréter. » Françoise est Antillaise et ses pinceaux sont nourris de lumières brutales, excessives, qui traduisent aussi à leur façon la fièvre que l’on trouve chez ce peintre de la Renaissance. Mais pour celui-ci, il s’agit de passion cachée.  Le travail de Françoise était donc de transposer le sentiment. Entre les couloirs d’une maison italienne et les plantations d’une île caraïbe, dans l’abondance de la lumière et des végétaux.

« On suppose beaucoup de choses sur le Caravage, explique Françoise. Il a peint des scènes religieuses, pour l’Eglise. Mais ce sont des filles de la rue, des voyous… sans doute ses amants, qui lui servent de modèles. » Saints ou démons, peu importe. Il est d’abord question de fièvre et de sentiment. L’approche se précise. Et notamment la proximité de l’homme et de l’animal, au travers d’autres images, du cinéma notamment. Mais elle revient ensuite à son peintre italien. Plus intimement. En 2011, Françoise Semiramoth part pour Rome, à la rencontre des toiles.

« Il a peint des scènes religieuses, pour l’Eglise. Mais ce sont des filles de la rue, des voyous… sans doute ses amants, et qui lui servent de modèles. » Françoise Semiramoth

Dernière œuvre du Caravage sur laquelle elle travaille, la conversion, de Saint Paul.

Ce que l’ombre cache, que les feuilles masquent…
C’est une vieille Romaine qui lui montre le chemin. Quinze rendez-vous dans des salles qui résonnent, dans des demi-clartés, derrière des murs épais. « La première chose qui frappe, c’est cette mise en scène des corps, il y a une force qui tend la chair. Et je voulais styliser ça, le transposer, d’aller chercher dans les parties sombres, ces mains, ces regards, et les mettre dans une autre lumière. »

Le travail que Françoise présente, ce « Caravage créole », sous la forme de panneaux sérigraphiques, peut sembler aux… antipodes. C’est de l’autre côté de la terre. Mais tout y est. Le jeune homme et ce lézard malicieux qui lui pince le doigt. La pénombre a disparu, et de la même manière la végétation fait au cri une sorte d’écrin. Ce n’est pas de la peinture, mais la réalisation prend de longs mois. Un travail comme on en faisait à la Renaissance. L’atelier Altiplano s’est occupé de cette patiente mise en forme. « Neuf panneaux recomposent le tableau, pour une dimension finale de 1, 80 sur 2m, 30. Il fallait donc du temps, beaucoup de précision et la patience de Charlotte Planche et de Noémie Privat. » Spécialisées dans la (re)production d’œuvres d’art, l’atelier de la Belle de Mai sera à nouveau sollicité pour deux autres versions. La première présentation s’est passée au printemps dernier, mais le tableau voyagera ensuite, et notamment en Guadeloupe.

Premier rendez-vous donc, et qui en appelle d’autres. En octobre dernier, Françoise Semiramoth travaillait à ses représentations de « la Conversion de Saint-Paul ». Il s’agit d’un homme, entre douleur et extase, avec un cheval cabré qui le domine. L’homme, l’animal et la clarté créole.

Roger Calmé (Zo mag’)

La peinture de la Renaissance cache dans l’ombre et le secret. La lumière créole use de grands feuillages verts.

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