Qu’est-ce qui nous empêche aujourd’hui de relier l’artiste, les écrivains, les universitaires qui s’intéressent à l’art et d’entamer une conversation ? C’est assez simple, semble-t-il, à une époque qui dispose des outils et d’une volonté de décloisonnement. Nous sommes des citoyens de l’art, à l’image des citoyens du monde, et on pourrait multiplier les langages. Au final, voir l’œuvre sous des aspects pluriels, et l’artiste dans une compréhension plus large que celle de l’émoticône.
En 2017, la professeure Kemi Adeyemi lance le Black Embodiments Studio (BES). Son intention est de développer le dialogue autour des arts noirs. En s’appuyant sur son réseau, elle a pu trouver des contacts institutionnels à l’image de la Jacob Lawrence Gallery de l’Université de Washington. Un incubateur a ainsi vu le jour, pour permettre à des diplômé(e)s de se perfectionner dans ce domaine de l’écriture et de la réflexion. La Pr Kemi Adeyemi est intimement convaincue que ce contact entre l’écrivain(e) et l’artiste peut être fortement positif. Elle parle à ce sujet d’une relation éthique, d’un rapport nouveau et dont le public doit également bénéficier.
« À un certain niveau, je veux juste que les gens se rencontrent et discutent les uns avec les autres, » expliquait-elle dans une interview au web magazine contemporaryand.com. « Il est important d’avoir des moments de rencontre sans pression, avec des personnes sur lesquelles vous pourriez écrire, ou des personnes qui pourraient un jour lire vos écrits ou des personnes pour qui l’écriture a simplement un impact sur leur vie et celle de leurs communautés. »

Les mots écrits ont un rôle à jouer dans cette visibilité possible de l’oeuvre, mais aussi au dialogue entre l’artiste, le public et ceux qui en parlent.
L’incubateur fonctionne donc de cette façon, le plus ouvert, le plus diversifié possible. « Cette année, il est composé de personnes qui ont des expériences différentes avec les institutions académiques et artistiques ; les personnes qui n’ont aucune expérience en rédaction artistique et les personnes très expérimentées ; et des gens qui sont eux-mêmes artistes et des gens qui ne le sont pas. » Tout au long de ce programme, la professeure diffuse au-travers des réseaux sociaux des comptes rendus (brefs et aérés, sic) « de certains faits saillants pour avoir une idée de ce que la réflexion sur l’art noir et l’écriture des arts noirs pourrait entraîner. »
Outre la publication d’une revue annuelle (A Year in Black Art), Kemi Adeyemi parle d’une écriture plus accessible, plus souple qui échappe à l’habitude, très rationalisée et hyper technique, que les espaces institutionnels produisent en abondance. Cette liberté est intentionnelle. « Nous créons un espace pour cela dans l’incubateur. Mais je ne vais jamais leur donner le ton ou le style – à part leur rappeler que capturer leur propre voix, trouver le langage qui leur semble fidèle, est la chose la plus importante qu’un écrivain puisse faire, » poursuit-elle.
Le BES reflète donc cet intérêt croissant pour une écriture qui fonctionne comme une passerelle entre les langages, les lieux d’expression et la nécessité du moment. Ce que l’œuvre propose génère une réflexion plurielle et une expression moins rigide que celle produite par une voix unique. Encore faut-il avoir les moyens désormais de soutenir cette production. La professeure n’est pas dupe. Cette écriture doit également être soutenue. Est-ce que l’institutionnel a cette capacité, pour ne rien du milieu commercial et médiatique ? Est-ce que cette écriture peut trouver sa place et… une rémunération ? « Je pense que les gens reconnaissent le pouvoir de l’écriture artistique et des écrivains individuels, mais cela ne signifie pas qu’ils sont prêts à construire des structures qui rémunèrent adéquatement les écrivains artistiques et leur fournissent des éditeurs qui sont des penseurs critiques compétents. »
« Je ne suis pas sûr de pouvoir dire dans quelle direction je vois l’écriture sur les arts noirs, mais je peux certainement dire qu’il y a beaucoup de réflexions sur l’état de l’écriture artistique en général. Et nous avons raison de nous inquiéter de ce que cela signifiera pour les mondes de l’art dans lesquels nous évoluons s’il n’y a pas de soutien pour les écrivains dont le travail contribue à faciliter les conversations autour des artistes, des œuvres, des expositions et des institutions – tous ces éléments qui composent « le monde artistique ». Pr Kemi Adeyemi

,
RC (ZO mag’)
photo : Amy Conway
A lire: https://contemporaryand.com/fr/magazines/black-embodiment-studios-fast-loose-and-immediate-writing/
🖤
J’aimeAimé par 1 personne