Maroc / photographie / Mouna Saboni, une image… / DE VIEILLES HISTOIRES

Le déplacement est un moteur mélancolique. Aller d’un endroit à l’autre, d’une histoire écoulée à une incertitude qui commence, reprendre pied sur l’autre rive. Au moment où elle achève ses études (2012), Mouna Saboni part au Brésil. Elle le dit de cette façon, assez unique : « J’ai traversé le pays un peu comme à la quête d’un lieu acceptable. D’abord Bel Horizonte puis Salvador-de-Bahia (là où j’ai réalisé cette image) et enfin Rio de Janeiro. ». La ville est immense, dans des dimensions qu’elle ignore, dans un mouvement qui est une forme d’abîme. : « Je traverse le pays comme on traverse l’Histoire. Et j’éparpille là ma vie en traînant mes vieilles histoires au fond du ventre comme on traine des peaux mortes, collées au corps et qui font fuir les gens souriants. Me voilà dans un pays où il existe encore des papillons et de tout ça je ne sais pas quoi faire (…). « 

Le Brésil n’est pas un lieu souriant. Le Christ s’est arrêté en chemin. Des hommes noirs et blanc marchent dans cet envers la lumière. L’idée de « Va Com Deus » (traduction, « que Dieu t’accompagne » est née ici, dans ces ruelles sans nom qui sont aussi des sortes de rituels. « Que Dieu t’accompagne » est à cette image, prise quelques jours plus tôt, à Salvador, et qui pourrait être une sorte de perdition.

Mouna Saboni est une photographe du paysage intérieur. Ses montagnes du Maroc sont de la même sorte. Le regard du garçon est une pierre noire qui s’effrite et à sa droite, son double déjà s’efface. Il se peut que ce soit le fantôme de son frère disparu. Que se passe-t-il dans nos vies, pour en arriver là ? Aucune anecdote ne l’explique. Cette photo est un vide qui se creuse sous le regard. Deux jeunes types, dans une banlieue, un après-midi d’orage. La gravité de la situation, même si on en ignore la raison, nous rattrape. « Voilà l’ambiance et dans quel état d’esprit j’arrive à Rio… Je décide alors de m’installer dans une petite favela, Vidigal, tout près de Copacabana. J’y ai habité pendant environ deux mois. J’y ai fêté mes 25 ans… »

RC (ZO mag’)
Photo : Mouna Saboni

Repères :
Mouna Saboni est en 1987. Après un master d’Économie sociale et solidaire, elle a rejoint l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles, dont elle sort diplômée en 2012. Plusieurs projets ont été menés depuis sur des « territoires », au Maroc, en Palestine, en Amérique du sud.

Son travail a été récompensé par le prix Lagardère (2020). Il est entré dans diverses grandes collections (Blachère, Montresso, Neuflize).
Elle vit et travaille à Rennes (France).

A lire aussi : https://zoes.fr/2022/02/10/maroc-france-photographie-mouna-saboni-paysages-surfaces-sensibles/

3 commentaires sur “Maroc / photographie / Mouna Saboni, une image… / DE VIEILLES HISTOIRES

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