Afrique du sud / Photographe-plasticien / Vuyo Mabheka / LA CHAMBRE AU MILIEU DU MONDE

Dis-moi à quoi ressemble cette maison miniature où tu rejoues le monde ? Fille ou garçon, peu importe, seules les figurines diffèrent et le scénario. Les enfants sages interprètent souvent des scènes paisibles. Et les gosses turbulents mettent dans les lits des créatures sauvages. Vuyo Mabheka emploie un mot xhosa, tiré de l’afrikaans, popihuise, ou la maison de poupée. L’enfance en somme et ses premières écritures qui disent le rêve et la réalité. Dans ce cadre, le plasticien sud-africain fixe ses représentations du monde. En 2017, le projet photographique « Of Soul and Joy », mené dans le township de Buhlebuzile, lui a permis de s’initier à l’image photographique. Il s’agissait de demander aux élèves d’une école leur façon de considérer leur quartier. Sur l’une de ces images, un enfant masqué apparaissait dans la lumière orange des pavillons récemment construits.

A quoi ressemble ce territoire à venir, trop récent pour qu’on sache, trop ancien pour oublier ? Vuyo Mabheka apporte sa réponse, de la même façon qu’il déplace dans la maison de poupée des personnages appartenant à des histoires, des sentiments, une appartenance différente. Le collage de figures, de fragments écrits, de photos anciennes, calendriers, pages de magazines, reconstruit le cadre. Cette structure réinventée, « Umkokotelo », permet de mieux comprendre ce que le monde nous offre comme issues. Ce « bricolage » de l’image lui permet de mettre l’éclairage sur des éléments précis de son histoire et de celle dans laquelle la société grandit. L’intérieur de la maison n’est-il pas une scène de théâtre assez parfaite, un concentré de titres parus dans la presse quotidienne. « Ma chérie, il y a des pneus qui flambent… » sur certains de ces tableaux, le même enfant apparaît et les scènes suggèrent dans des carrés télévisuels, les actualités liées à la crise.

Ils ont retrouvé des armes et des pneus enflammés. De son enfance, de ce township dans lequel Vuyo Mabheka a grandi.

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Le motif de la maison est aujourd’hui largement utilisé en Afrique, comme une scène privilégiée. Tout est possible, dans ces tableaux aux perspectives très différentes. Certains plasticiens les considèrent comme des revanches historiques. Ils affirment que la réussite sociale est un puissant antalgique. Vuyo Mabheka n’est pas de ce genre. Cette illusion d’un monde meilleur, capitaliste et occidentalisé, le fait sourire. Ses tableaux sont bien plus lucides. Il pose juste cette question de ce qui l’entoure, dans la violence et la misère qui sont les siennes. De ce monde libéré et une fois encore enchaîné. Dans cette maison de poupée, le drame est annoncé.

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Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : by courtesy Afronova
https://www.afronova.com/artists/vuyo-mabheka/

Repères :
Vuyo Mabheka est né en 1999 dans la ville rurale de Libode ( Eastern Cape, Afrique du sud). Il a été initié à la photographie en 2017 grâce au projet photo « Of Soul and Joy » à l’école secondaire Buhlebuzile (Thokoza), Afrique du Sud.

Il a reçu le Prix Spécial du Jury « Images Vevey 2023/2024 » pour son projet « Popihuise ».

Expositions :
2022 : Uhambo, Umhlabathi, Johannesburg, Afrique du sud.
2021 – 2022 : Inganekwane, Constitution Hill, Johannesburg
            North West University Gallery, Potchefstroom, Afrique du sud.
2018 : Ikasi Lami, Stop Sign Art Gallery, Johannesburg.

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