Maroc / Peinture / Aziz Azrhai / CE QUI PRECEDE ET CE QUI SUIVRA

Avant que la peinture ne soit. Quand on parle de cette fabrication, il est rare que l’artiste aborde le sujet de la toile elle-même, et de la façon de la préparer, de la tendre, de la laisser pendre, en somme dans le silence qui précède et qui rassemble. Aziz Azrhai est de ces artistes qui aiment à comprendre. D’où viennent les formes et les couleurs, de quelle terre se nourrissent-elles ? C’est à la fois très symbolique et d’une manière très réelle, très concrète, ce que la toile (ou le carton, le métal, le bois…) communique aux gestes et matières suivantes.

Ces jours-ci, il travaille sur petits formats ces (admirables) peintures pâles, échappées à l’incertitude qui nourrit autant les paysages que ceux qui les habitent. « J’ai souvent considéré le papier en petit format comme un sort de refuge et de soulagement. Je me tourne vers lui quand je m’ennuie, ou quand je me sens anxieux, paresseux et incapable d’affronter des toiles de grande dimension. » Plus facile sans doute, mais dans une préoccupation encore plus importante de ce qui précède. Parce que cette histoire tient d’une sorte de terreau, un lieu où les choses peuvent arriver.

« Avant de travailler dessus, je le laisse trainer n’importe où. A même le sol, exposé au hasard, qu’il subisse toute sorte d’accidents. Et quand il est épuisé, je le caresse, je commence à lui parler, comme à un être vivant, proche et bien-aimé », explique-t-il. C’est là que le dialogue se noue. L’étape est plus classique. Elle tient d’une conversation, avec des silences et des mots, avec du bavardage aussi, dont Azrhai cherche toujours à se débarrasser. D’où l’emploi de ces couches successives de blanc, qui masquent l’inutile.

« Avant que la teinture ne sèche, poursuit-il, je lave mon papier, je le frotte vigoureusement à certains moments, plus doucement à d’autres, et je laisse sécher. Ces mêmes étapes sont répétées plusieurs fois jusqu’à ce que certains motifs, formes et traces cachés commencent à s’infiltrer et apparaître dans l’épaisseur. » Ainsi l’œuvre a recouvert une mémoire qui lui est propre, tout comme la surface initiale portait elle aussi l’empreinte de ses vies et lieux antérieurs. Des signes apparaissent, des bribes de ce qui a été et qui survit, en dépit (et grâce) à ce temps qui efface et révèle en même temps, ce qui précède et ce qui suivra.

« Avant de travailler dessus, je le laisse trainer n’importe où. A même le sol, exposé au hasard, qu’il subisse toute sorte d’accidents. Et quand il est épuisé, je le caresse, je commence à lui parler, comme à un être vivant, proche et bien-aimé. » Aziz Azrhai

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« Sans titre » 0, 30 x 0,28 m, technique mixte sur papier (2023)
RC (ZO mag’)
Photo : © Aziz Azrhai

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