Peut-être que Trenton Doyle a vraiment raison. Dieu est installé dans les tribunes, avec un soda light dans les mains. Les Yankees, mené 35 à 10, sont en train de rater pour la seconde année la phase finale du Superbowl. Dieu a soudain envie de se lever et de quitter ce fichu stadium. Sur la ligne des 70 yards, un wide receiver tente l’impossible run. Ses chaussures sont noires et son visage crispé. Il hurle à la lune un désir désespéré.
Trenton Doyle Hancock est un peintre profondément… Il est quoi ? La polarité de sa peinture pose un piège à la possible classification. Dans les années 70, le génial Crumb dessinait des planches déjantées où des babas cools fumeurs de ganja se faisaient courser par des cops et des chiens qui jouaient du sifflet. D’une certaine façon, Trenton est un pote de Crumb, qui observe cette société US où le bon et le méchant se tirent la bourre. C’est ainsi que la société fonctionne, le bon est blanc et le bad (mauvais) est black, enfin un peu black. Trenton a décidé assez jeune que c’était un bon motif de dessiner. Et que par la même occasion, ça lui donnerait l’occasion de discuter avec Dieu.
« J’ai grandi dans l’église baptiste du Sud. J’étais batteur, chanteur et diacre junior. Quand j’étais derrière la batterie, tout le reste a fondu. », disait-il dans une interview (ArtForum, avril 2019). Sa rencontre avec Dieu commence là, elle colle à la funk, puis elle prend ses distances avec le christianisme et certaines de ses vérités. Trenton Doyle Hancock a besoin de se faire son monde à lui. Mais il reconnait quand même que Dieu est un chouette type, en tout cas un mec plein d’imagination. Parce que c’est bien de ça qu’il est question. Dans ce monde réglé par la polarité, blanc et noir, riche et pauvre, gagnant et looser, il faut s’en sortir. Il y a un lendemain. Les Yankees sont menés 35 à 10, mais c’est pas encore fichu !

Sa rencontre avec Dieu commence là, elle colle à la funk, puis elle prend ses distances avec le christianisme et certaines de ses vérités.
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« … Trop tôt sous la lune sanglante » faisait partie d’une expo intitulée « An Ingénue’s Hues and How to Use Cutty Black ». Elle date de 2019 (Shulamit Nazarian). Bon sang, c’est très bon de la regarder avant de se lever et de manger ses graines pour oiseaux. Vous verrez que le type fonce tout droit dans une superbe combinaison jaune. En dépit du score défavorable, ce mec veut y croire. Il est prêt à tout écraser. Ses godasses noires ont des crocs acérés. Ce mec est un… mettez le mot qui vous convient. Aucun 747 ne peut l’abattre en vol. Et puis derrière lui, il y a Dieu. Parce que Dieu descend toujours sur la pelouse. Il ne peut pas s’en empêcher. Dieu est rempli de dessins en noirs et blanc, de choses alternatives, de conscience, de jugements aussi, mais voilà, c’est dans sa nature.
Au commencement, Trenton Doyle Hancock ne savait pas très bien ce que c’était la peinture. Ça n’avait pas beaucoup de sens pour lui. « Je ne comprenais pas que c’était un mode de vie. Mais je savais qu’être dessinateur de bandes dessinées était un style de vie, et c’est ce que je me préparais à être. Le mariage des mots et des images était naturel pour moi. Une fois que je me suis enraciné dans l’académie, j’ai fusionné mes ambitions d’être un artiste de bande dessinée narrative avec mes ambitions de peintre », explique-t-il. La peinture, le dessin… et l’existence de Dieu. Parce qu’il est possible de faire des tableaux politiques, de poser une véritable critique sur la société et de se tourner vers Dieu pour lui demander s’il trouve ça chouette.

« Step ans screw part too soon underneath the bloody red moon ». Acrylique et médiums divers sur toile. 3,35 x 2,28 m (2018).
« Quand j’étais adolescent, la peinture n’avait pas beaucoup de sens pour moi. D’une certaine manière, c’est ce que ma pratique a été depuis le début : prendre des formes « basses » de fabrication (la BD, ndr), que je n’ai jamais crues faibles, et prouver qu’elles sont égales, et souvent supérieures, à la valeur, disons, d’une œuvre d’art « élevé ». Trenton Doyle Hancock

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RC (ZO mag’)
Photos : by courtesy Trenton Doyle Hancock and Shulamit Nazarian gallery (Los Angeles)
A lire : https://www.artforum.com/print/201904/trenton-doyle-hancock-talks-mind-of-the-mound-critical-mass-78967
Repères :
Trenton Doyle Hancock est né en 1974, Oklahoma City USA.
Après des études commerciales, il aboutit un MFA à la Tyler School of Art (Temple University, Philadelphia, 2000).
Expositions individuelles (sélection) :
2022 : Good Grief, Bad Grief, Shulamit Nazarian, Los Angeles, CA.
Water Ground Hell Sky, Hales Gallery, Londres (GB).
2020 : Something American, James Cohan Gallery, New York, NY.
2019 : I Made a Mound City in Miami Dade County, Locust Projects, Miami, FL.
Mind of the Mound: Critical Mass, MASS MoCA, North Adams, MA.
Contemporary Focus: Trenton Doyle Hancock, The Menil Collection, Houston, TX.
An Ingenue’s Hues and How to Use Cutty Black Shoes, Shulamit Nazarian, Los Angeles, CA.
2018 : From a Black Son to a White Man to a Black Woman and Back Again, Temple Contemporary at the Tyler School of Art, Philadelphia, PA.
Trenton Doyle Hancock: The Re-Evolving Door to the Moundverse, Contemporary Art Museum St. Louis, MO.
Trenton Doyle Hancock, Shulamit Nazarian at Art Los Angeles Contemporary (ALAC), Los Angeles, CA.
2017 : Trenton Doyle Hancock: Texas Artist of the Year 2017, Art League Houston / Rice University Art Gallery, Houston, TX.
2016 : Pandemic Pentameter, James Cohan, New York, NY.
SOLILOQUY: Trenton Doyle Hancock, The Public Trust, Dallas, TX.
2015 : Trenton Doyle Hancock, EMIT: What the Bringback Brought, Ringling Museum of Art, Sarasota, FL.
I Want to Be at the Meeting after the Separation, Hales Gallery, Londres (GB).
2014 : Mound At Large: Trenton Doyle Hancock, Museum of Contemporary Art, Indianapolis, IN.
Trenton Doyle Hancock: Skin & Bones, 20 Years of Drawing, Contemporary Arts Museum, Houston, TX; traveled to Akron Art Museum, Akron, OH; Studio Museum in Harlem, New York, NY; and Virginia Museum of Contemporary Art, Virginia Beach, VA.
2013 : Trenton Doyle Hancock, Canzani Center Gallery, Columbus School of Art and Design, Columbus, OH.
2012 : …And Then It All Came Back To Me, James Cohan Gallery, New York, NY
❤️
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