Israël / peinture-dessin / Tsuki Garbian / DES PAROLES ANCIENNES

Dans l’épaisseur de la peinture, entre la surface visible et le support. La terre est faite de la même façon. Et la mémoire de celle-ci se trouve dans ses strates. Quand il interroge la matière, Tsuki Garbian ramène à la lumière ce qui était aux premiers moments. Ces visages sont ceux qui ont participé à la fabrication de l’œuvre, aux temps anciens. Tous les peintres font de cette façon. Ils posent l’esquisse, s’interrogent encore, puis ils recouvrent. On saura plus tard qu’ils ont été à cet endroit de l’histoire et du sentiment. Cet instant que la matière peinte garde en mémoire s’appelle un « pentimento ». Ce qui signifie en italien « repentir ». Comme si le peintre avait à oublier ce passage, pour aller de l’avant, vers cette autre réalité qui sera l’expression « aboutie ». Rembrandt procédait de cette manière, le Caravage aussi, et d’autres artistes de cette époque baroque. Seuls les « copistes » n’ont pas recours au « repentir ». La duplication ne connaît pas de doute. Elle ne fait que poursuivre la finalité.

Le peintre israélien conduit depuis plusieurs année une série qui porte ce titre de « pentimenti » et dont le propos est d’explorer le geste originel, celui qui jette les fondations. Il s’est inspiré ici du « triomphe de David », peint par Pietro de Cortona (Pietro Berrettini) au 17ème siècle. Pour ce faire, Garbian recourt au dessin et dans sa forme la plus fragile, la plus volatile, à savoir le fusain, dont la nature est celle de la cendre. « Le charbon de bois est une matière qui contient la mort. Les bâtons de charbon de bois de saule que j’utilise sont lavés sur le papier de coton blanc et transformés en une minuscule poudre noire qui pourrait être effacée et disparaître d’un coup. », disait-il à ce propos. L’extrême fragilité de la matière, comme de l’instant, cette incapacité à marquer durablement.

Cendre du bois ou de l’idée, figuration fantôme, jaillie des entrailles du temps : ce travail est une réflexion sur cette fragile temporalité. Pourtant, aussi lointaine soit-elle, enfouie dans le plus profond d’elle-même, la vérité revient toujours à la clarté. Ce n’est pas seulement une radiographie de l’œuvre, ou le travail d’un scanner, mais une volonté de comprendre ce cheminement qui est autant celui du peintre que de l’homme.

Il y a donc dans « Pentimento 3 » une fonction révélatrice.  Parfois, le peintre refuse une idée ou au contraire le monde lui en impose une autre. Les 16 et 17ème siècles sont des époques très politiques et les œuvres le plus souvent des commandes. Dans ce combat de David, que voulait dire à l’origine De Cortona ? Quels traits lui aurait-il donnés à l’instant de la victoire ? Tsuki Garbian explore donc l’aspect que la vérité revêt selon la façon que nous avons de la regarder et sur quelle instant de la peinture nous nous tenons. A moins que ce tableau de cendres et de lumière appartienne déjà à un moment ancien, susceptible d’être recouvert. L’œuvre est un corps vivant et le peintre un « repentir » dans la matière de la toile.

« Le charbon de bois est une matière qui contient la mort. Les bâtons de charbon de bois de saule que j’utilise sont lavés sur le papier de coton blanc et transformés en une minuscule poudre noire qui pourrait être effacée et disparaître d’un coup. » Tsuki Garbian

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Pentimento 3,   140 x 134 cm, fusain sur papier Arches (2016-17)
Roger Calmé (ZO mag’)
Photo : © Tsuki Garbian and Liat Elbling (photographe)

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