Nigeria-USA / collages / Njideka Akunyili Crosby / SUR CE MUR ET DANS L’EPAISSEUR DE CELUI-CI

Nous sommes des papiers peints. Une couche en recouvre une autre. Un motif se substitue à celui qui précède. Dans cette profondeur plane, le corps se fait. La ville fonctionne aussi de cette façon, en couches successives, et les hommes géologiques, qui la parcourent. Au Nigeria, on dit « Obodo », ce qui signifie à la fois la ville et le village ancestral, ce qui précède et ce qui est. C’est de cela que Njideka Akunyili Crosby parle dans les gigantesques collages qu’elle produit, au croisement des motifs et des époques.

Le changement. Il est dans le travail de la plasticienne, comme la lumière est dans le regard. Le regard est cet élément qui fonctionne en biopsie. Exploration des strates, plongée dans l’histoire. « The Beautyful Ones », le nom de ce travail débuté en 2014, propose de revenir sur cette plongée. Son titre emprunte à un roman de l’écrivain ghanéen Ayi Kwei Armah (1968) et qui parle de cette jeunesse « post-coloniale », sur laquelle, indirectement, Njideka Akunyili Crosby porte son regard. Qui sont ces jeunes, étudiants, travailleurs, en quête d’ailleurs et de peut-être, au travers des rues, dans les intérieurs ensoleillés de l’indépendance ? Ou de la diaspora ? Njideka rassemble pour ça, ses propres images, les « unes » des magazines, les albums de la famille, les cartes de vœux, pour les rassembler en des fresques monumentales d’exactitude sur la tangibilité du rêve.

Les « unes » des magazines, les albums de la famille, les cartes de vœux, pour les rassembler en des fresques monumentales d’exactitude sur la tangibilité du rêve.

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Dans l’exposition d’aujourd’hui, présentée dans sa ville d’adoption (Los Angeles), les mêmes personnages reviennent quelques années plus tard, ou plus tôt, à un autre moment du changement. Et leur regard en dit beaucoup sur cette attente du temps. L’un des tableaux les plus remarquable montre une jeune fille devant ce mur mémorial. Une gamine de quinze ans, avec ses grandes lunettes et son sourire rempli d’humour et de lucidité.

Comme l’écrit une critique américaine (Lauren Guilford), « les sujets d’Akunyili Crosby sont courageux, complexes et en perpétuel changement. ». Car c’est bien ce mouvement qui est au centre de l’immobilité factice. Factice ? Parce que ces gens sont des conjugaisons, nés du hasard et de la nécessité, volontaires et innés. Ils sont le fruit de cette mobilité intérieure. La journaliste cite alors quelques lignes du roman d’Octavia Butler, « la Parabole du semeur ». L’histoire d’une fille de pasteur noir dans l’Amérique ultraviolente, ultra conservatrice et déjantée. Elle dit : « Tout ce que vous touchez, vous changez. Tout ce que vous changez vous change. La seule vérité durable est le changement. » Les collages de Njideka Akunyili Crosby ne parlent que de ça. Au passé comme au futur, l’humanité est le seul regard qui passe au travers du mur.

« Je fais de mon mieux pour me rappeler des choses bien spécifiques : des instantanés dans des albums de famille, des rafraîchissements sur la table, des magazines que j’ai vus traînant dans la maison quand j’étais jeune. » Njideka Akunyili Crosby

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« The Beautyful Ones », 2012 (détail). Image reproduite avec l’aimable autorisation de l’artiste, Victoria Miro et David Zwirner.

Njideka Akunyili Crosby, jusqu’au 13 juin, Huntington Art Gallery, San Marino, CA 91108 (USA).
Roger calmé (ZO mag’)
Photo : by courtesy Njideka Akunyili Crosby and Huntington Art Gallery (USA)

A lire aussi : https://zoes.fr/2020/04/22/njideka-akunyili-crosby-je-refuse-detre-invisible/

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