Un livre consacré à Harry Gruyaert porte le nom de « Between Worlds » (Entre les mondes). L’auteur se nomme David Capany et il suit le photographe belge dans cette « dérive », ce déplacement « spéculatif » qui donne le ton de ses images. La spéculation est une expérience du possible, un prolongement envisageable, sur base d’un premier constat qui déjà se dissout et envisage ce qu’il pourrait advenir. C’est la possibilité du lieu et de ceux qui l’habitent. Deux petites filles sont assises sur un muret en béton. L’une porte une robe bleue et l’autre une robe rose. Les couleurs sont éteintes, leurs casquettes américaines laissent supposer qu’il fait un grand soleil. Ce sont des fillettes modèles et entre elles, il y a un poste de radio très volumineux, de forme carrée, avec un double enregistreur. Bref une photographie de l’Amérique moyenne, mélancolique et enjouée. A ce détail près que ce sont des gamines, ici, en Europe, bien loin de l’original producteur de stéréotypes, un jour d’été en Belgique.
Essaouira fonctionne de façon plus cruelle, plus politique. Passe à l’esprit une autre image, dans un township sud-africain, d’un enfant la nuit, sous un masque. A Essaouira, les gamins regardent Harry. L’un d’entre eux semble ne pas avoir de bras. Leurs visages sont gris et graves. Quelle heure est-il ? C’est la tombée du jour. Un croisement de murs. Des personnages posés à l’arrière-plan, sentinelles qui regardent toutes dans cette direction. Les enfants d’Essaouira, dans le district industriel. C’est une image dans une balade, dans un Maroc en pleine mutation, dans une nuit qui approche; une image qui conserve aussi le dialogue entre celui qui regarde et celui est vu.

© Harry Gruyaert I Courtesy of Gallery FIFTY ONE.
(…) Mon arrivée chez Magnum n’a pas été vue d’un très bon œil par certains. Pour eux la photo, c’était le photojournalisme traditionnel en noir et blanc et rien d’autre. Moi j’étais attiré par la couleur, par l’esthétisme, pas par l’aspect journalistique ou documentaire. Je ne cherchais pas à raconter des histoires avec mes photos, ce qui m’intéressait c’était que chaque image ait sa propre force, comme une peinture. » Harry Gruyaert
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Harry Gruyaert est un pionnier de la photographie couleur européenne. Il a développé tout au long de son œuvre des images à plusieurs dimensions, capable de glisser dans le sens pour aller au sens le plus humain, qu’il soit loufoque, poétique, social, qu’il aspire à la mélancolie, à l’ombre ou à son contraire: une photographie qui est entre les mondes. Cet atelier à Marseille, organisé sur cinq jours, consiste en une longue balade dans la ville, les yeux ouverts. Une balade avec Harry.
Maroc, Essaouira, district industriel, 1988, Harry Gruyaert, Magnum Press.
10 au 14 juillet 2023, Marseille (France), Date limite de préinscription : 15 mai 2023. Pour postuler, écrire à : info@artfotomode.com RC (ZO mag’)
Photo : © Harry Gruyaert
A propos du Maroc, à lire aussi: https://www.yonder.fr/en-images/photographes/interview-harry-gruyaert-maroc
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