La globalisation du monde, les couleurs du masque, les femmes et les boissons lactées, la nation et à quelle heure faut-il sortir son chien : l’artiste se débat dans 1000 questions. A ce petit jeu, Eric « Sane » Nsubuga ne se risque pas. Il ne connait pas les réponses et il le dit. Tout juste pose-t-il quelques questions. En ce moment, les frontières l’intéressent. Par exemple de savoir s’il y a un camp et un autre camp, ce que les femmes vont mettre comme combinaison de vol, pourquoi le langage change et la couleur de la peau sous la lampe à ultrasons.
Il y a quatre ans, Daudi Karungi directeur d’AfriArt à Kampala (Ouganda) le voyait peindre le roi Muteesa I, personnage emblématique de la période coloniale. Suivra les mois suivants un Christ tout aussi singulier, sorti d’une série américaine ou d’une Pietà napolitaine quatre fromages. Visions particulières et télescopées, pour des représentations qui posent toujours cette question : OK, on est Africain, mais elle commence où, l’Afrique ? Elle parle de quoi ? Peut-elle revenir la semaine prochaine tenter le jackpot ? Toutes ces fichues interrogations qu’on se pose en regardant ses toiles, folles de couleurs ou monochromes évangéliques, discussions sans fin sur l’inévitable quotidien.

« Je me demande juste pourquoi les gens se comportent comme des dindes? »
Politique ? Evidemment. Eria ‘Sane’ Nsuguba porte la plus grande attention à tout ce qui l’entoure. La politique en fait partie, et la consommation aussi, la soumission, la santé… Il raconte par quoi il est passé, la maladie de son enfant à la naissance, les soins approximatifs, la dictature du produit, l’ignorance ambiante, la corruption, inévitable, quand le seul critère est de remplir sa maison de tout ce qui inutile, futile et fugace. « Les gens ne veulent pas travailler dur. Ils font ceci ou cela parce qu’ils veulent vraiment maintenir un mode de vie non durable. Donc, je me demande juste pourquoi les gens se comportent comme des dindes? », confiait-il dans un entretien avec Anna Kucma (*).
Comme les agendas ont eu une certaine tendance à s’affoler, il faudra certainement attendre l’automne pour voir son actuelle série. Elle parle du pouvoir, de l’autorité et du contrôle. Sur un post Facebook, deux filles super sérieuses commentaient l’un de ses tableaux. Une toile où on retrouvait quelques joueurs de première division, les vrais leaders, les costauds, les seuls prétendants à la ceinture unifiée. Et le Christ ?
« La plupart des galeries veulent souvent tout montrer en dehors des vrais problèmes et pour moi, c’est frustrant. Les artistes ici ont peur, alors ils utilisent beaucoup de symbolique dans leur travail. J’avais l’habitude de le faire aussi, mais au final, j’ai pensé que ce n’était pas assez direct » Eria ‘Sane’ Nsuguba

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R. Calmé (ZO mag’)
Photo DR et by courtesy Afriart.
A lire aussi : https://www.artafricamagazine.org/december-2015-eria-sane-nsubuga/
(*) De même que l’interview (remarquable!) parue dans:
https://annakucma.tumblr.com/post/72465542463/painting-a-story-of-my-time-interview-with-eria

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Repères :
Eria ‘Sane’ Nsuguba est né en 1979
Il est détenteur d’un diplôme de première classe en arts industriels et beaux-arts de l’Université de Makerere (Ouganda), et titulaire d’un doctorat sur la pratique, à la Winchester School of Art, Université de Southampton, Royaume-Uni.
Expositions collectives et individuelles (sélection)
2021 : Afriart Gallery à African Galleries.
2020 : 1-54 Londres Afriart Gallery, Londres (GB)
2019 :Tate Modern avec un projet de groupe Tate Exchange / Université de Southampton, GB.
2018 : Cape Town Art Fair, Afrique du sud.
2017 : ICONS & AVATARS, David Krut Projects, aux côtés de Marlene Dumas et Aida Muluneh, New York, USA.
Cape Town Art Fair, Afriart Gallery, Cape Town.
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