Quand ils seront amenés à établir une cartographie des mondes, les géographes du futur devront admettre la possibilité du glissement. Arnaud Martin mène déjà à ce sujet des études très poussées. Il se peut que ce glissement s’ouvre de nuit comme de jour, et bascule sur des points périmétriques de couleur sombre. Ce dernier mot est très relatif, parce que l’obscur est à envisager sous d’autres lumières. Arnaud est un explorateur. On envoie ce genre de navigateur pour établir des cartes et ramener des spécimens d’animaux et de roches. Le peintre a été chargé de ce travail. Les choses qu’il a vues posent jalon. Il se peut que notre chemin vienne à passer par là.
« L’artiste crée des chimères où le végétal et l’animal se mêlent à la personne humaine pour en faire un symbole. Si ces hommes-totem-épouvantails-gargouilles, rappelant les êtres des visions de l’enfer de Jérôme Bosch, semblent irradiées, c’est qu’ils sont porteurs de la lumière. », écrivait à son sujet Maximilien Friche (écrivain). Bien sûr ce témoin est tenu à une forme de discrétion. Les créatures qu’Arnaud Martin ont des attaches tellement peu ordinaires, que les mots pourraient aisément bafouiller. Quelques peintres africains ont mené des excursions similaires. Les créatures entrevues sont parentes. Elles appartiennent autant au végétal et à l’animal qu’à l’humain. Seul le volume totémique diffère. Les artistes du grand Continent figurent des formes cérémoniales. Elles sont dépositaires du culte. Dans le travail d’Arnaud Martin, il s’agit d’apparitions prises dans la vapeur. On ne sait rien d’elles, que de possibles apparences, des froissements, une lueur tout au plus, dans le fond d’un gouffre.


« Si ces hommes-totem-épouvantails-gargouilles, rappelant les êtres des visions de l’enfer de Jérôme Bosch, semblent irradiées, c’est qu’ils sont porteurs de la lumière. « , Maximilien Friche
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La seconde hypothèse que les spécialistes proposent, serait d’un ordre temporal. Le peintre suggère en quelques mots le temps de l’enfance, ce passé qui traîne entre nos visions, qui s’échappe et revient par le rêve. La peinture, dit-il, rend cette recouvrance possible qui est celle d’une totale liberté, d’une insoumission permanente. « L’univers s’entend, s’étire, se marque, tel un feu venu de cette feinte, (hors) la loi. La loi qui régit les couleurs dans leur ontologie du sacré. Un sacré qui donne « sens à la nuit » du temps fantôme. », poursuit de son côté l’analyse de Thierry Texedre. Ce dernier a le grand mérite de jeter la passerelle entre l’acte de peindre et celui de comprendre. De cette figuration de l’enfer et du cauchemar, Arnaud Martin tire sa traduction et sa poésie du monde. Si son apparence est celle du cauchemar, il n’y a aucune raison de désespérer. Nous nous y ferons très bien. Il suffit de changer de chaussures et de lunettes.
La peinture, finira-t-on par en parler ? Jusque-là, tout relève de l’alchimie. Mais la peinture ? Elle est virtuose, elle n’attend aucune facilité, d’une acrylique profonde comme le sont les huiles, dans la succession des couches et des errances. Souvent Arnaud privilégie le monochrome, des bleus résonnants comme des tôles, des bois noirs habités de formes non visibles et de grincements de traits, des hachures qui font corps et branches. Il ne leur donne aucun titre, parce que les mots n’ont guère de place où se tordre. Ici l’univers est dans la prononciation du cri. Ce n’est déjà pas si mal : un cri silencieux et peint, à l’instant où la chair se décapite, se démembre et se pardonne.

« L’univers s’entend, s’étire, se marque, tel un feu venu de cette feinte, (hors) la loi. La loi qui régit les couleurs dans leur ontologie du sacré. Un sacré qui donne « sens à la nuit » du temps fantôme. » Thierry Texedre.
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« Beau trio » (dessins) avec Ariane Crozet et Jacques Rouby, du 24 mars au 22 avril. Galerie La Ralentie, Paris.

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : by courtesy © A. Martin.
Site : http://www.arnaudmartinpeintre.com/
Facebook : https://www.facebook.com/anartistepeintre
Instagram : https://www.instagram.com/artno.mart/
Repères
Expositions individuelles:
2023 (à venir) : Galerie la Ralentie (Paris), et en juin, avec la série « Esprit, es-tu là ? » à la galerie Amarrage de St Ouen (France) .
2022 : Angle d’art, Bagnolet (France).
2016 : Pijama galerie, Paris.
2013 : Galerie La Charpente, Saint-Mandé (France)
2012 : Christiane Peugeot, Paris.
Expositions collectives depuis 2017
2022 : Artcité, Fontenay-sous-Bois.
Exposition itinérante en soutien à l’Ukraine organisé par la revue le « Miroir de l’Art » (Périgueux galerie 66, juin 2022, Béthune la Fabrique décembre 2022, Angoulême MIFAC 2023 )
« A l’ombre de la nuit » (mai/juillet 2022, Paris 12e), 100 ECS, curatrice Fabienne Rousseau. https://100ecs.fr/a-lombre-de-la-nuit/.
2021 : « Mémoires », Openbach galerie, en duo avec Anaïs Charras.
2020 : Art Cluster 10, Espace Beaurepaire, Paris.
2019 : YIA (Young International Art), Paris.
2018 : « Golem Revisité », Tannerie de Houdan, France.
2017 : Ab Hoc/ Ab Hac, Untitled Factory, Paris.
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