Ce qui n’a pas de début, ni de fin. A l’image de ce fil qui court sur le métier, de cette « histoire » qui tisse nos vies, de ce tissu qui relate, nourrit et recouvre. Ce n’est pas une formule poétique, mais une phrase de l’artiste américaine Anni Albers. Elle décrit ainsi en 1965 « The Event of the thread, (l’Evènement d’un fil), titre de l’exposition, présentée aujourd’hui à Tunis, galerie Central, dans un lieu qui est lui aussi, sans début, ni fin, un lieu de tissage, de rencontres et de passage.
A l’origine, il s’agit d’une exposition curatée par Inka Gressel et Susanne Weiß, pour l’IFA (Institut für Auslandsbeziehungen) de Stuttgart. Elle rassemble différents artistes de la scène internationale sur cette thématique du tissu et du dialogue qu’il peut générer. De cette façon, les deux fondatrices du Central (Emna Ben Yedder et Soumaya Jebnouni), en collaboration avec le Goethe Institut, l’ont prolongé. Aux œuvres initiales se sont ajoutées celles d’artistes tunisiens, comme Zille Homma Hamid (chaise-métier et navettes-cailloux) et d’ Abdessalem Ayed qui croisent les récits mythologiques et la rue contemporaine. Ou encore des paysages traversés d’Asma Ben Aissa. L’imaginaire est à l’image de la draperie, que gonflent des vents pluriels. Entre le temps d’avant et celui qui est le nôtre, en présage d’un paysage qui commence à s’écrire, l’art contemporain poursuit l’œuvre première. Il suffit de si peu pour le comprendre.
« Nous avons tous ce souvenir des aînés de la famille qui tissent sur la grande armure placée au cœur de la maison. Entourés des enfants et des petits enfants, ils partagent des histoires, des rires et des anecdotes. » Emna Ben Yedder et Soumaya Jebnouni
« Et « le métier à tisser » devient l’ossature des histoires, des chants et donc de nos souvenirs. » (à gauche, Safia Farhat et à droite, Zille Homma Hamid.
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Dans cette déclinaison tunisienne, « the Event of the thread » va bien au-delà des murs de la galerie. Emna Ben Yedder et Soumaya Jebnouni ont inscrit le passage dans la trame du lieu. Il s’agit d’un endroit ouvert, facilement accessible, où l’on entretient volontiers le passage. L’exposition garde le même élan. Outre la présentation de ces travaux, elle emmène aussi les visiteurs à la rencontre de Safia Farhat, l’une des artistes précurseurs du tissage actuel en Tunisie. L’occasion de découvrir le Centre des Arts vivants, dans la commune de Radès. Dans ces anciens locaux industriels, on parle aussi du tissu, dans son rôle social et économique. Et pour mieux l’éclairer encore, le Central a initié des promenades patrimoniales au cœur de Tunis. Hatem Bourial raconte le quotidien de ces artisans. « Les mots qu’ils échangeaient, suivaient le rythme de passage des fils de trame à travers les fils de chaines. Et « le métier à tisser » devient l’ossature des histoires, des chants et donc de nos souvenirs. », note-t-il dans ses commentaires.
Il y a quelques jours, l’évènement prenait fin par une performance. Ou plutôt par la réalisation d’une œuvre à laquelle le public était invité. « Memory catcher » est le projet des trois artistes-architectes, Chawki Lahmar, Lillia Ben Romdhane et Afef Omri. Le tissage est mémoire. Ils ont imaginé que les personnes pouvaient relater un souvenir important de leur vie, avec un fil et des points cousus sur la toile. Un instant brodé, grâce à un lexique, dans la couleur et le mouvement. Un fait enfoui à au plus profond et que nous traduisons sur cette page de tissu. Couture : réparation du tissu social, organique ou vestimentaire. Et contemporain.
The Event of the Bread, 27 janvier et jusqu’au 11 mars, galerie Central, 15 Av. De Carthage, Tunis.
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A lire dans la presse tunisienne : https://lapresse.tn/150966/exposition-the-event-of-a-thread-a-lespace-dart-central-tunis-des-recits-au-bout-du-fil/
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