USA / plasticienne / YoYo Lander / CORPS PERDUS, IDENTITES RETROUVEES

Si nous sommes privés de mots, si la parole nous est enlevée, depuis ce corps défaillant, comment se reconstruire ? Bien sûr, la peinture de Yoyo Lander ne se résume pas à cette seule question. Mais elle tient ici une part importante. Et puis il y a cette petite phrase, en bas d’une interview qu’elle donnait à un web magazine, en 2020, au moment de « Band of Vices » (Los Angeles). Juste quelques mots qu’elle adressait à des jeunes peintres : « Je donnerais ce conseil à n’importe quel artiste : racontez votre histoire et tenez-vous-en là. »

Aucune histoire n’est monolithique, dit-elle souvent. Yoyo Lander parle ici autant des peuples que des individus. Un jour, les choses apparemment stables basculent, et plus rien ne reviendra comme à l’origine. Le corps (social et individuel) en porte d’indélébiles blessures.  Ce constat est donc au centre de l’exposition présentée en France (galerie Zidoun-Bossuyt, Paris) et qui parle de cette expérience du traumatisme. Parce que c’est physiquement de ça qu’il s’agit, au-travers des l’histoire même de son père, au lendemain d’un grave accident et des séquelles qui l’ont marqué cérébralement.  

Regarder ces corps et les accepter pour ce qu’ils sont, de la beauté et de la force. Peu importe ce que le monde propose et rejette, notre vérité est notre force

Il y a donc l’expérience personnelle et la capacité que les individus ont ensuite de se recomposer. Les bandelettes de Yoyo Lander rappellent en cela les corps recomposés du Nigérian Lateef Olajumoke qui use de pièces fragmentaires pour couvrir ses personnages, victimes de la souffrance sociale. Dans le cas de Yoyo Lander, il s’agit plutôt d’une volonté de reconstruction. Les personnes qui ont vu les grands formats de 2020, puis les premiers travaux qui vont conduire à ces portraits, en sont frappés. Beaucoup se reconnaissent dans cette peinture. Parce qu’elle est sans artifice, qu’elle ne laisse aucune place au mensonge et au maquillage. « Have tears sometimes » s’appuyait sur l’accident de son père. Dans un fonctionnement proche, Yoyo Lander a conçu « A big romance », qui parle de ce corps, vulnérable, hors normes et quotidien, et qui nous mène au monde. La « vulnérabilité » est au cœur de son travail. L’incertitude qui nous enveloppe, la fragilité, et pour réponse notre capacité à les surmonter.

L’aquarelle tient ensuite une place importante dans ce travail, parce qu’elle participe à rendre cette fragilité. L’exposition de 2020 à Los Angeles travaillait déjà avec ce médium. « J’aime travailler l’aquarelle. J’aime son incertitude. (…) Le résultat n’est jamais ce à quoi je m’attends, mais il dépasse mes attentes à chaque fois. » Des femmes se tiennent donc dans des positions qui alternent le naturel et l’image « judiciaire ». Profils fixes, absence d’expression, nudité révélatrice. Ce n’est pas gratuit. « Il s’agit d’un changement dans mon approche artistique. Le contexte joue maintenant un rôle important dans la représentation de l’individu, » dit-elle à ce sujet. Corps allongés, maintenus au sol, victimes de ce contexte, de cette violence résiduelle que les médias montrent avant de les oublier.

Vulnérables. Ces femmes le sont, loin des images spectaculaires et abstraites, que la société leur suggère. Regarder ces corps et les accepter pour ce qu’ils sont, de la beauté et de la force. Peu importe ce que le monde propose et rejette, notre vérité est notre force, suggère Yoyo Lander, peintre du dommage et du renouveau.

« Être vulnérable signifie s’ouvrir complètement, se tenir nu et se pencher sur chaque imperfection. Ce n’est pas facile, mais nécessaire de s’élever, de grandir, d’aimer et d’évoluer. » YoYo Lander

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« A Big Romance » de YoYo Lander et « Still Tuning a Current » de Nate Lewis, du 23 mars au 13 mai 2023, Galerie Zidoun-Bossuyt, Paris.
https://zidoun-bossuyt.com/wp-content/uploads/2023/02/YoYo-Lander-A-Big-Romance-ZB-Paris.pdf

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : by courtesy Yoyo Lander and Zidoun-Bossuyt, Paris.

Repères :
YoYo Lander est née en 1986 à Sumter, CA (USA). Elle est détentrice d’un BA en communication (Howard University, 2007) suivi  d’un MFA, (University of California, Los Angeles, 2010).
Elle vit et travaille à Los Angeles (USA).

Expositions individuelles:
2021 : Onto Something, The KNOW Contemporary, Los Angeles, CA (USA)
2019 : No Rain, No Flower, Evergreen Valley College, San Jose, CA.
            No Rain, No Flower, Joyce Gordon Gallery, Oakland, CA.
2018 : Memories of Love, Museum of African American Art, Los Angeles, CA.
2016 : When Joy Overcomes Pain, Dysonna Art Gallery, Los Angeles, CA.

Collectives :

2023 : « A big romance », YoYo Lander and Nate Lewis, Zidoun-Bossuyt Gallery, Paris, France.
2022 : When We See Us: A Century of Black Figuration in Painting, Zeitz MOCAA, Cape Town (until September 2023), Afrique du sud.
            Inauguration group show, Zidoun-Bossuyt Gallery, Dubai, UAE.
            Winner Takes All, Marianne Boesky Gallery, New York, NY.
2021 : House of Crowns, Phillips, New York, NY.
            Shattered Glass, Jeffrey Deitch, Miami, FL.
            Mother’s Nature, Jac Forbes Gallery, Malibu, CA.
            In Situ, Marianne Boesky Gallery, New York, NY.
2020 : Noir, Noir: Meditations on African Cinema and its Influence on Visual Art, Prizm Art Fair, Miami, FL.
            Say it Loud, Christie’s, New York, NY.
            Black Voices/Black Microcosm, CFHILL, Stockholm, Suède.
            Shades of Summer , Band of Vices, Los Angeles, CA.
2019 : H.E.R., ZuCot Gallery, Atlanta, GA.
2017 : Untitled, Residency Art Gallery, Los Angeles, CA.
2016 : Return of the Gods, Gallery 38, Los Angeles, CA.

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