On pourrait faire cette supposition, qui n’est pas si folle que ça. Si le jazz affirme de façon très claire les attaches africaines de l’Amérique, pourquoi la peinture n’agirait pas de la même façon ? Les histoires de Judy Bowman vont dans ce sens. Voilà une ancienne directrice d’académie qui raconte à la façon d’un griot l’Amérique noire contemporaine. C’est une chose très similaire à ce que le Continent a toujours fait. Sauf qu’ici l’oralité devient visuelle. Et qu’elle ne se borne plus à relater les faits et gestes des rois, mais s’attarde à la vie ordinaire, la vôtre, la nôtre, qui habitons les quartiers du Sud et du Nord, entre la plantation, le ghetto, l’appareil ménager et les retrouvailles familiales.
La trajectoire de Judy Bowman est particulière. Pendant plusieurs décennies, elle a été la responsable de cette faculté des arts et des sciences de Detroit. En contact permanent avec la création multiforme que portaient les créateurs d’origine afro-américaine. Detroit est une ville ouvrière, ancienne capitale d’industrie, mangeuse d’hommes. Toute l’Afrique s’est retrouvée ici, derrière les machines du capitalisme, dans cette atmosphère tellement particulière du Nord. Berceau du jazz et de l’écriture noire américaine, mais pas seulement…


Mon travail est créé pour raconter l’histoire de la façon dont je vois mon peuple, comment nous avons vécu et le pouvoir de notre être. Judy Bowman
A sa retraite, Judy Bowman va relater en partie cette histoire au travers des ses papiers de couleur vive, de sa peinture acrylique flamboyante et de ces collages qui sont ceux de la communauté. Elle travaille l’œuvre comme le griot ouest africain, dans une fidélité fantasque à son sujet. Elle crie, elle clame, elle slame ce que l’histoire ne dit pas. C’est dans une cuisine, au moment du déjeuner, dans les bras d’un homme qui tient son petit-fils. C’est l’annonce d’un mariage ou la venue d’un deuil. La mort d’un type sous les coups des policiers, la reconnaissance humaine, la colère et la joie. C’est toute une vie d’Afrique et d’Amérique qui est aussi son histoire.
« Mom In Harlem », 91.4 x 121.9 cm (2019). Courtesy of the artist.
Gratiot Griot, MOCAD jusqu’au 25 mars 2023.
https://mocadetroit.org/judy-bowman/
RC (ZO mag’)
« Ce sont les récits de ma famille, de mes amis et des gens ordinaires de la communauté et de la façon dont nous nous aimions. Bien que mon art reflète les souvenirs personnels de ma famille, c’est aussi les souvenirs des familles de ma communauté. Mon travail est fondé sur la vision d’élever l’humanité et de laisser un héritage qui met en valeur la beauté et la dignité des Noirs. » Judy Bowman
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Repères :
Judy Bowman est née en 1952 à Detroit, dans le Michigan.
Ancienne directrice de la Detroit Academy of Arts and Science, elle a pris sa retraite en 2008. Depuis elle se consacre à cette carrière visuelle. Elle vit à Romulus (Michigan) et travaille dans la région de Detroit.
Expositions et prix:
2023 : Gratiot Griot, MOCAD, Detroit (USA)
2022 : Prix Alain Locke de reconnaissance artistique.
2018 : Gagnante du concours régional et national Sapphire Artisan Series, Detroit (USA).
Exposition au Festival Essence.
2016 : Récipiendaire du prix Spirit of the City Ford Arts Beats and Eats.
Œuvres exposées au Detroit Charles Wright Museum, dans plusieurs galeries à Detroit et en Espagne
Site web : https://www.judybowman.com/gallery
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