Un homme, debout sur le sable, coincé entre le ciel et le rivage, devant l’immensité impossible s’interroge. La mer lui est interdite et le ciel tout autant. Dans un temps ordinaire, le rivage possède une signification. Il ouvre le possible, s’interroge Eric Fontaya Tomnyuy. Les hommes, quel que soit l’endroit où ils vivent, l’ont toujours vu de cette manière. Ils n’ont pas ignoré la difficulté qui les attendaient. Devant la toile, le regard porte la même interrogation. Qu’y a-t-il au-delà de cette surface ouverte, immense, comme un gouffre plein. Il faut avoir ce courage de franchir le pas et de pousser une barque fragile. Il fait une obscurité totale. Eric Tomnyuy (Salvador) l’observe de façon très concrète. Ce rivage n’est pas une métaphore. Il se trouve en un point précis de la côte nord-africaine, à proximité de Tanger (Maroc). Et il peint cette peur et cette nécessité.
Quand on l’interroge sur ce moment de la peinture, le peintre prend pour appui deux éléments. Le premier s’attache à un fait. Le 24 juin 2022, deux mille migrants d’Afrique sub-saharienne ont tenté de pénétrer en force dans l’enclave espagnole de Mellila. Dans cette bousculade, vingt-trois d’entre eux ont perdu la vie. L’enquête espagnole a classé l’affaire. La responsabilité des forces de l’ordre n’a pas été engagée. « Chaque tableau représente ce que les réfugiés, les migrants et les défavorisés vivent au quotidien. J’ai peint mes sentiments sur cette série particulière tout en réfléchissant aux conditions de vie que je vivais au Maroc à cette période particulière. Tout dans ce moment était plein de peur et de rejet à cause de ce que nous vivions avec les autorités marocaines en uniforme dans la ville de Tanger et dans toute la partie nord du Maroc. », dit-il alors.


Jusqu’ici, le peintre a eu recours à une figuration stylisée qui n’est pas sans rappeler les peintures du Congolais Mode Muntu.la référence permanente à la tradition lui permet d’aborder à la fois la tradition et la réalité quotidienne, porteuse de valeurs identiques comme l’importance du groupe. La notion est centrale dans sa figuration, de même que la dissolution de la forme à laquelle il recourt ici, dans une série qui participe du pointillisme. Ces points de lumière rappellent très précisément ce que les populations natives de l’Australie traduisent. Dans cette immensité du temps et de l’espace, l’homme est dépositaire de la même substance et d’un mouvement que rien ne peut éteindre. Cette liberté du déplacement et de la pensée sont inhérentes à sa nature. On pourrait dire qu’elle est organique. Au-dedans de lui et à l’extérieur. Le corps est le reflet de ce qui l’entoure. Il fonctionne selon une mécanique identique à celle des étoiles.
Pour en revenir à ce rivage premier et aux éléments très concrets qui ont motivé la série, Salvador Tomnyuy place un tableau, une barque, un océan d’interrogation et de responsabilité. Dans sa liberté du déplacement et dans celle de peindre, le principe est inaliénable. Aux responsables politiques, peu importe de quel côté ils se tiennent, de le comprendre. Salvador entreprend ce voyage de la peinture pour porter la question. Sa voix, à l’image de celle de Yancouba Badji (*) (Casamance), interroge de façon simple sur cette humanité refusée, sur cette mer refermée et ce ciel impossible.
« Le silence de la majorité n’a cessé de sonner dans mon imaginaire comme si j’étais le seul à pouvoir rendre justice aux victimes de ce silence inexplicable ! Le silence (…) infligé par la souffrance et qui nous envoie parfois à nos premiers cimetières ! » Salvador Tomnyuy

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : Tomnyuy Eric Fontaya
Contact : Email : e.tomnyuy@gmail.com
Tél. : Direct line: +212 695 99 81 85 / WhatsApp: +212 627 63 27 54
Facebook : https://www.facebook.com/salvadortomnyuy
Repères :
Tomnyuy Eric Fontaya est né en 1989 à Jakiri, une petite ville du nord-ouest du Cameroun. Son premier désir était de devenir boxeur, ce qui l’amène à quitter son pays. Ce déplacement vers le nord l’amène alors à s’interroger sur l’extrême précarité des migrants. Au Maroc, il se lie d’amitié avec des artistes locaux et commence à expérimenter les différents médiums. Depuis ce moment, la peinture l’occupe entièrement, comme unique moyen d’en témoigner.
Expositions (sélection) :
2022 : Estampa, Contemporary Art Fair, Madrid, Espagne.
Medina Art Gallery, Tanger, Maroc.
French international school (Mosecole), collective, Casablanca, Maroc.
COLLECTIVE EXPOSURE, Nairobi, Kenya.
2021 : Casablanca Solo show, “Yellen Arts Gallery” and “Art Is Freedom”
http://www.kawnculture.com/events/exposition-de-lartiste-salvador-tomnyuy-par-yelen-arts-gallery-art-is-Freedom/
Collective exhibition, “Mahal Art Space” Tanger and “Goethe Institute”, Rabat, Maroc.
2020 : Solidarity collective fine arts exhibition (and online) auction, par « The Art Company » gallery, Casablanca.
En raison de la pandémie, plusieurs expositions ont été reportées en 2020 :
Collectivo Valencia Spain Foundation / La Nacelle Foundation Brussels Belgium / Creation residency for the 4e édition of FLATTA Land Art. / Collective exhibitions in Casablanca French school Massignon de Bouskoura Casablanca
Expositions permanentes :
Medina Art Gallery Tanger, Maroc.
La Nacelle Foundation, Bruxelles , Belgique.
CreatwithPetra Art Gallery Vienne, Autriche.
Galerie A2 Casablanca, Maroc.
Tatmin Art Space Rabat, Morocco
A lire aussi : https://zoes.fr/2021/12/24/senegal-peinture-yancouba-badji-le-dernier-rivage/
Magnifique ❤️
J’aimeJ’aime