Russie / photographie-histoire / Katia Berestova / DANS LA VIOLENCE DE CE VENT

C’est une photographie d’avant la modernité actuelle. A une époque où la Russie ressemble à elle-même, c’est-à-dire d’un modèle très différent des boutiques de Miami. C’est une photographie très existentielle, qui s’interroge sur le sens du temps, de la responsabilité, de la vérité travestie. Peut-on dire ça ? Les personnages qui traversent le cadre sont comme des héros de Tarkovski. La campagne est un champ de guerre, une friche. Le fleuve déborde d’encre et de plaintes. Katia Berestova l’écrit à chaque instant. Elle est photographe et poète, dans la nécessité des mots et des images qui aident à voir clair. Sa Russie a besoin de vérité.

Tombé par hasard sur un message qui accompagne l’un des images de sa dernière série. Elle s’appelle « Grand père ». Il y a une grande importance donnée aux aïeux dans les textes et les tableaux, et dans la vie ordinaire tout simplement. Les aïeux sont celles et ceux qui ont vu. Ils peuvent dire ou se taire. Ils sont les témoins. Katia Berestova explique alors qu’elle s’interroge sur cette importance du groupe et de l’abandon possible de celui-ci. « Un membre de ma famille est parti. Je pensais à ce que je pourrais dire sur ce sujet, dans son ensemble. (…) Des gens d’âges, de vues, d’éducation, d’intérêts, de croyances, etc… peuvent être patients et respectueux les uns envers les autres. Ils peuvent s’aimer gratuitement, simplement parce qu’ils sont liés par le sang. Oui pour se disputer, argumenter pour ne pas se comprendre, mais ne jamais interférer avec le chemin personnel d’une personne et ne pas faire de mal à sa famille. » écrit-elle dans cette perspective.

La disparition, le départ, l’image qui n’est plus et qu’il est impossible d’oublier. Que devient-il et que deviennent les autres?

L’image choisie montre un homme, dans un manteau militaire, sur une pente couverte de neige et de rochers nus. Une ligne à haute tension coupe l’angle gauche. Ce n’est pas un lieu esthétique, ce n’est pas un endroit dialectique, juste un militaire qui est là, pour la photographie. Sans doute l’une des rares que l’on ait à cette époque. Hypothèse. Disons tout simplement qu’il est en garnison et que l’hiver est froid. Dans son texte,  Katia Berestova évoque ce grand-père dans le titre, mais elle ne dit rien de plus, tout juste elle pose une question : «  Quand une personne a-t-elle cessé d’être un parent d’une personne. »

Voilà quelque chose qui n’est quasiment jamais abordé, si ce n’est dans les familles qui ont vécu l’absence, le départ, l’éloignement. Les familles de la diaspora parfois, les enfants du massacre, ceux qui ont besoin de se souvenir. La Russie a ce besoin immense. Les vitrines en plastique de l’Amérique alimentent l’oubli. La terre sombre réveille les morts et posent d’autres questions. Dans la violence de ce vent, il est impossible de s’endormir.

Roger Calmé / ZO mag’
Photos : Katia Berestova

Repères :
Katia Berestova est née à Saint-Pétersbourg en 1992. Artiste peintre / graphiste et poétesse. (Autodidacte).
Pratique activement la photographie depuis 2017.
Membre de l’Union des Artistes « Solaris » et de l’Union des artistes photographes de Russie.
Katia Berestova a été nominée en 2022 pour le Foam Paul Huf Award, Amsterdam.

Vit à Moscou où elle enseigne un cours sur le thème « Art analytique de la composition ».
Contact : berestovaka10ka@gmail.com
Site web : https://katya-berestova.photographer.ru/

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