Russie-USA / photographie / Anastasia Samoylova / DANS L’IMMENSE VITRINE

Que doit-on regarder ? L’homme qui marche ou le reflet illusoire, de dimensions immenses, l’image qui marche sur la façade, sur le plan vertical et lumineux ? Anastasia interroge la ville dans sa fonction communicante. Cette musique visuelle et lancinante, qui relève ni plus ni moins de la propagande, ne lui est pas inconnue. Seuls les emplacements diffèrent et les rôles que proposent la distribution. On ne verra dans cette superproduction que des jeunes gens remarquablement beaux. Les ouvriers ne figurent pas. Les hommes de fer sont habillés en bermuda.

La photographe russe, établie et travaillant à Miami, pose sur la société américaine un regard fortement distancié. Rien n’a vraiment changé depuis le siècle passé où le décor portait en couleurs vives son futur resplendissant. Peu importe que ce soit à la gloire du Petit Père ou d’une marque de soda. Le même produit, les mêmes effets, l’emprise sur les esprits.

Durant ces deux dernières années, Anastasia Samoylova a parcouru une quinzaine de pays, à la recherche de cette présence de l’image photographiques dans nos villes. Les photos ont été prises à Moscou, New York, Amsterdam, Paris, Londres, Bruxelles, Tokyo, Madrid… Elles sont comme des puits de lumière et de vide, où des femmes, des hommes marchent, sous l’œil des grands cyclopes. L’exposition de Barcelone (Fundación Mapfre) s’accompagne de la publication d’un livre co-édité avec Hatje Cantz. Il regroupe cent de ces images abyssales.

« Nos villes deviennent des collages. La publicité de style de vie, les panneaux d’affichage immobilier et l’architecture hyper-photogénique font de l’espace urbain un décor fantastique de paysages en constante évolution. Les marques internationales étouffent l’histoire locale. Le capitalisme mondial impose son ordre visuel. Dans le spectacle, la vision est distraite. » Mark Fisher’s Capitalist Realism.