USA-Russie / photographie / Anastasia Samoylova / SOUS UNE ETOILE ETEINTE

Les paysages sont comme les humains, porteurs d’ambiguïté.  Les saisons qui les traversent sont mal définies, leurs appartenances, leurs souvenirs manquent souvent de netteté. Anastasia Samoylova s’est intéressée à la Floride, sous cet angle, dans un « éclairage » incertain. La Floride, qu’elle orthographie d’ailleurs au pluriel, parce qu’elle est multiple, et que les ouragans peuvent en une nuit changer tout ça.

Il est intéressant de savoir qu’Anastasia est Russe. Les sciences humaines sont à la base de sa formation. S’intéresser à l’humain, c’est également savoir comment il se projette sur un lieu ; comment il le dessine à son idée, selon l’époque, selon la saison, selon des choses qui lui échappent à l’image des cyclones et des révolutions. Sans doute a-t-elle regardé ainsi une partie du décor. Cette région n’est pas différentes d’autres états américains. Elle reflète cette quête immodérée du plaisir et du profit, dans une férocité habilement déguisée. Le néon est un rimmel qui coule sur les murs, qui ruisselle sur le goudron. Le vent des Caraïbes et ses colères extraordinaires participent de la même érosion. Quant à la convoitise humaine, elle est également sans pitié. Elle précipite dans des couloirs sombres ceux qui l’importunent.

Mais il faut ensuite que la photographie traduise ces mouvements de mâchoires. Et c’est toute l’habilité d’Anastasia Samoylova, dans une langue plurielle, qui porte l’éclairage sur ces blessures et cette cicatrisation hâtive. Qu’il s’agisse de ses architectures ou de ses reportages, le cliché invite ce que le temps enlève et rajoute au projet. Elle photographie la construction autant que le décombre. Le projet est à l’égal du souvenir, un inaboutissement. L’impression générale est celle d’une affiche froissée, d’un produit miracle, un modèle d’objet utilitaire, comme une fusée qui rouille sur son pas de tir. Ce qu’il reste de ce rêve américain.

Anastasia est en cela autant reporter que créatrice. Les humains sont en permanence dans ce désordre rafistolé. Dans cette fin de film, séquence terminale, les acteurs, les victimes, les auteurs du forfait, regardent leur nom défiler sur l’écran. La fiction est à l’égale de la réalité, faite de cette même lumière très loin d’ici, de cette étoile éteinte.

C’est un endroit austère, culturellement, politiquement, économiquement, climatiquement, et il porte cette austère assez visiblement. Il est là dans les paysages fragiles, dans l’industrie touristique précaire, dans le boom et le ralentissement de ses villes et sur les visages de ses divers citoyens. Anastasia Samoylova

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Florides, jusqu’au 4 mai 2023, Amerika-Haus, Hardenbergstraße 22–24, 10623 Berlin.
RC (ZO mag’)
Photos: Anastasia Samoylova

Repères :
Anastasia Samoylova est née en 1984 en URSS.
Elle est détentrice d’un MFA Université Bradley (2011), après avoir obtenu un MA de l’ Université d’État des Sciences humaines, Moscou (2007) . De 2012 à 2015, elle a enseigné comme professeur d’art à Illinois Central College, (IL), avant d’occuper un poste de professeur adjoint de photographie au Bard College, Simon’s Rock (MA).
Elle vit et travaille aux Etats-Unis.

Expositions personnelles (sélection) :
2022 : Zone inondable. Musée Eastman. Rochester, État de New York, USA.
            Zone inondable.  Exposition du prix de la Fondation Deutsche-Börse pour la photographie. La Galerie des photographes. Londres, Royaume-Uni.
            Florides. Galerie Sabrina Amrani. Madrid, Espagne.
            Florides. Galerie Caroline O’Breen. Amsterdam, Pays-Bas.
            Florides. Galerie Peter Sillem. Francfort, Allemagne.
            Paysage sublime. Galerie Kandlhofer. Vienne, Autriche.
            Petits déjeuners.  Images Vevey Festival, Suisse.
2021 : Zone inondable. Histoire Musée de Miami. Miami, Floride, USA.
            Zone inondable. Le centre d’impression. Philadelphie, Pennsylvanie.
            Zone inondable. Galerie Sabrina Amrani. Madrid, Espagne.
            Zone inondable. Musée d’art multimédia Moscou, Russie.
            Paysage sublime. Musée des Beaux-Arts, Le Locle, Suisse
2020 : FloodZone, Musée d’art contemporain de l’USF, Tampa, Floride.
            FloodZone, Galerie Caroline O’Breen, Amsterdam, Pays-Bas
            FloodZone, Galerie Peter Sillem, Francfort, Allemagne
2018 : FloodZone, ArtCenter South Florida, Miami, Floride.
2017 : Paysage sublime, Broward College, Pembroke Pines, Floride.
2016 : Landscape Sublime, Université d’État de New York, Geneseo, NY.
2015 : Paysage sublime,  Milwaukee Institute of Art and Design, Milwaukee, WI.
           Paysage sublime,  Good Children Gallery, Nouvelle-Orléans, USA

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