Les deux chapitres d’un même livre. Une histoire qui se poursuit, écrite sur le même rythme et qui traite de deux périodes baignées d’une identique mélancolie. Entre le Maroc et Paris, Omar Mahfoudi poursuit cette exploration du choix. Notre vie est ainsi faite, plus ou moins volontaire, dans l’acceptation ou le refus de ce qu’il lui est donné de faire, d’accepter, d’interrompre. Sans doute est-ce cette question qu’il pose sur les murs de la galerie parisienne (Afikaris), en donnant pour titre à cette série existentielle : « Les branches oubliées / Forgotten branches ». Un jeune homme, une jeune fille, dans cet arbre, au-dessus de cette terre qu’ils ont quittée, dans ce refuge végétal où ils trouvent leur place. A l’image de ce garçon, dans le Baron perché (Italo Calvino), un roman italien qui évoque justement ce choix de l’isolement
L’histoire mérite d’être évoquée. Le 15 juin 1767, à Ombreuse, près de Gènes, Cosimo Piovasco di Rondò, âgé d’à peine douze ans, se révolte contre sa famille d’aristocrates. La cruauté du monde le répugne, tout autant que sa médiocrité et son conformisme. Il monte alors dans un chêne du jardin familial, comme les enfants sont habitués à le faire. Mais, contrairement à ceux-ci, il ne va jamais en redescendre.


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Omar Mafhoudi traite certainement de ce thème, dans une peinture d’une infinie douceur, lavis bleu et apaisant, qui rend tous les rêves, toutes les fantaisies du corps et de l’âme possibles. L’adolescent perché, à l’image du jeune baron, est un être libéré, par sa décision incomprise, en marge de l’autorité, des convenances, du rôle qu’on veut lui attribuer. Non, dit-il, et l’arbre lui ouvre ses bras.
L’exposition à l’Atelier 21 (Casablanca) est dans une semblable écriture, puisque c’est de narrations qu’il s’agit, au cœur de cet univers végétal et de sa conjugaison avec l’eau. Il s’agit encore d’un lieu intermédiaire, une rencontre des éléments. L’univers d’Omar Mahfoudi fonctionne tout entier dans ce croisement liquide. L’eau et le ciel sont d’une composition si proche. Leurs atomes se lient, fluides issus d’un corps particulier (personnages) et d’un environnement (la mangrove et le sentiment). Quant à l’instant de la figuration, il est également dans cette possible conjugaison du jour et de la nuit, à l’aube ou au crépuscule. Inutile d’ajouter des mots. L’univers ne souffre d’aucune confusion, il est en harmonie. Une liberté retrouvée, qu’il s’agisse de l’arbre ou de l’eau qui le baigne.
« Cela correspond à une étape pour moi, comme une élévation, une forme d’apaisement. Je dessine un homme qui échappe à l’excès de modernité, qui retrouve un paradis perdu. J’y vois un jardin d’Éden traversé de fulgurances orientales ou une nouvelle écriture à travers la végétation. » Omar Mahfoudi (Arab News, oct.21)

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« I was dreaming of the past », Omar Mahfoudi, du 24 janvier au 24 février 2023, Atelier 21, Casablanca (Maroc).
« The forgotten branches », jusqu’au 25 février, Afikaris (Paris).
Photo : © Omar Mahfoudi
https://afikaris.com/fr/exhibitions/27-the-forgotten-branches-omar-mahfoudi/overview/
https://www.omarmahfoudi.com/
Roger Calmé / (ZO mag’)
By courtesy © O. Mahfoudi, Atelier 21 et Afikaris.
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