Ça s’est passé le 27 mai dernier (2021) Les mots prononcés concernent le même drame, mais ils ne possèdent pas la même signification. Lors de sa visite à son homologue rwandais, Emmanuel Macron reconnait la responsabilité de la France dans le génocide de 1994 au Rwanda. Le même jour, Kofi Setordji présente son dernier travail consacré à la mémoire et à l’horreur, sur la lagune Ebrié (Abidjan). Le sujet est le même, mais l’objectif diffère sensiblement.
Lorsqu’il présente à Dakar en 2000 son « monument au Génocide », il le dit déjà à cette époque. Deux ans après l’horreur, personne ne semble se souvenir en Afrique de ce qui s’est passé. Les 800 000 morts n’auraient pas vraiment existé ? Serait-ce comme une absence d’histoire, une page mal orthographiée ? Dans cette volonté de remettre l’image et sa signification sur l’écran, il s’est souvenu de ce bulldozer qui poussait les corps dans les fosses. Pendant deux ans, il rassemble des objets épars, des morceaux d’histoire, il assemble, il cloue, il remet un nom sur l’horreur.


Depuis, l’œuvre a circulé au travers du monde. Le monument est mobile. Des centaines de figures, de personnages fragiles, en bois, en céramique, le constituent. Cette fragilité qui est celle de la vie, et qu’il présente une fois encore dans cette exposition.
» En 1994, lorsque le génocide rwandais se produisait, j’étais étonné qu’il n’ait même pas été rapporté dans la presse ghanéenne. Le Rwanda n’est que cinq pays en face du Ghana à l’est. En 3 mois, 800 000 personnes sont mortes et le monde entier a regardé. Personne n’est intervenu, » disait-il dans une interview en décembre 2020 (*). C’est dans cette fosse terrifiante, qu’il pose sa sculpture. Le travail présenté à Abidjan est tout entier dans ce respect à la victime, la première, qui reste sans nom, et à la victime plurielle, 800 000 fois répétée, torturée, machettée, brûlée, vive et morte, poussée au fond d’une fosse. Le singulier et le pluriel, sous la même abomination.
Dans une partie de l’expo, le sculpteur ghanéen figure aussi les autres, en périphérie, les politiciens, ceux qui regardent. Ce sont d’autres mots et d’autres silences, qui sont sur leurs lèvres.
Mémorial du génocide rwandais, treize sculptures, galerie de la Rotonde des arts, Abidjan plateau jusqu’au 26 juin 2021.
Roger Calmé (ZO mag’)
photos: K. Setordji et Fondation Nubuke
A lire: https://theartmomentum.com/kofi-setordji-telling-our-own-stories/
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