Au moment de se souvenir. Et de mettre des mots sur ce qui n’en a pas. Sur le silence, l’ignorance, sur la douleur, la blessure qui ne guérit pas, l’absence… Il ne s’agit pas d’un film. Même si les images de Lola Khalfa font penser à des séquences de cinéma. Très vite, la réalité reprend le dessus, c’est-à-dire la substance dont l’image est faite. De cette façon, Lola Khalfa rassemble les morceaux épars, les fragments. Patiemment, elle reprend mot après mot le récit.
Dans plusieurs interviews, la photographe franco-algérienne parle de ces différentes époques qui marquent l’histoire algérienne et la prive de continuité. Elle parle de la désintégration que les sociétés subissent et dont elles sortent dans l’amnésie. La modernité en est une forme. Dans une traduction visuelle, il peut s’agir d’une rue que la pluie vient à brouiller, d’une côte sauvage et sombre, battue par le vent. Des silhouettes marchent dans ces remous de lumière, des formes obscurs sortent des murs, des encadrements de portes, elles disparaissent la seconde d’après, absorbées par le vent ou une machine, ou une culpabilité. « Je juxtapose les royaumes propres à toute société : modernité et patrimoine, richesse et pauvreté… Des métaphores qui montrent la désintégration sociale… Un mélange qui fragmente la surface de la réalité. », expliquait-elle au moment de sa participation à Bamako (2015), dont le thème était justement le récit de l’histoire (« Telling Time »).

Dans cette collective qui s’intitule « Mon ami n’est pas d’ici », elle évoque l’agression mortelle sur un étudiant zimbabwéen.
Le temps. Il est omniprésent, parce qu’il est à la fois le cadre dans lequel le personnage s’inscrit et le mur qui referme l’horizon. Lola Khalfa appartient à la génération d’après le chaos, celle qui suivi les années 90. Cette époque pose et impose le cadrage dont l’image de Lola Khalfa cherche à s’affranchir. Comme le dit Samir Toumi, initiateur de l’expo « Charivari 10×10 » (Alger, fév. 2015), une jeunesse qui a retrouvé sa liberté de mouvement et de compréhension. « Ces clichés constituent la possibilité de faire entendre plus loin que leurs venelles la détresse profonde et la divergence sociale auxquels sont confrontés ces gens. Elle est devenue anodine avec le temps. », ajoute Lola un peu plus tard au moment de présenter ses dernières images sur l’Algérie rurale (Caen, France, 2016).
Des enfants français regardent ces photos et retrouvent ici des souvenirs. D’un côté ou de l’autre de la mer, les hommes marchent de la même façon, el le souffle du vent reste le même.
« Je juxtapose les royaumes propres à toute société : modernité et patrimoine, richesse et pauvreté… Des métaphores qui montrent la désintégration sociale… Un mélange qui fragmente la surface de la réalité. » Lola Khalfa
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : Lola Khalfa
A lire : Photographie: Lola Khalfa construit des ponts entre nous et les autres (vinyculture.com)
et dans ZO : Algérie / Photographie / Lola Khalfa / UN SOLEIL RESPLENDISSANT AU-DESSUS DES EAUX SOMBRES (zoes.fr)
Repères:
Lola Khalfa est née en 1988 à Annaba (Algérie).
Elle a suivi une formation en infographie à l’Université Badji Mokhtar (Annaba), puis comme photographe. Travaille aujourd’hui entre l’Algérie et la France.
Participe à Pépites 2015
Le Rêve Africain | #Pépites #Artistes (lereveafricain.wixsite.com)
Expositions individuelles:
2017: Dégoutage / Friche la Belle de mai – Marseille, France.
2016: Under the bridge / Espace Senghor – Verson, France.
Théâtre des Venelles / musée Yvonne Guegan – Caen, France.
2015: Théâtre des venelles / Espace Senghor – Verson.
Dégoutage / galerie Barthelemy de Don PHOTOMED – Sanary-sur-Mer, France.
Anticonventionnel / galerie Albert Raum – Berlin, Allemagne.
2014: Théâtre des Venelles / Institut français – Tlemcen, Algérie.
2013: Théâtre des Venelles / Musée d’art moderne d’Alger – Alger, Algérie.
Institut français – Annaba, Algérie.
Château Coquelle – Dunkerque, France.
Collective :
2021 : Mon ami n’est pas d’ici, Tourcoing, France.
Nov 2017-février2018 : Ikbal / Arrivées : Pour une nouvelle photographie algérienne, La Belle de mai, Marseille, France.
Prix:
2016: Magnum Foundation Emergency Fund – Nominé- New York, États-Unis.
Prix Paris Match – 1er prix- Paris, France.
2013: Gimmagination photography – Lauréat- Rome, Italie.
2012: Grand prix photographie contemporaine – Lauréat- Guelma, Algérie.
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