C’est un monde silencieux. La misère, le désarroi, la grande solitude, sont à l’abri des regards. Qu’on ne puisse les voir et les entendre, à l’écart, sous des cartons, ou des baches en plastique, le long des voies express, le plus loin possible, à l’extérieur du champ. Invisibles. Intouchables.
Et puis il y a celles et ceux qui refusent, qui s’approchent et renouent le dialogue. Depuis plus d’un an, Karen Assayag a rejoint le Centre de jour le Filon (Paris). « 𝘑’𝘢𝘤𝘤𝘰𝘮𝘱𝘢𝘨𝘯𝘦 𝘥𝘦𝘴 𝘧𝘦𝘮𝘮𝘦𝘴 𝘦𝘯 𝘴𝘪𝘵𝘶𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘥𝘦 𝘨𝘳𝘢𝘯𝘥𝘦 𝘱𝘳𝘦́𝘤𝘢𝘳𝘪𝘵𝘦́ 𝘭𝘰𝘳𝘴 𝘥’𝘢𝘵𝘦𝘭𝘪𝘦𝘳𝘴, explique-t-elle.

Montrer combien ces femmes âgées de 19 à 55 ont des ressources, des envies, la capacité de dire, malgré la dureté permanente, de conserver cette beauté.
« Ce qu’il reste au fond de moi », est en quelque sorte le journal visuel de ces rencontres photographiées, collées, peintes ensemble durant ces séances. « 𝘑𝘦 𝘧𝘢𝘪𝘴 𝘭𝘦𝘶𝘳 𝘱𝘰𝘳𝘵𝘳𝘢𝘪𝘵, 𝘦𝘭𝘭𝘦𝘴 𝘧𝘰𝘯𝘵 𝘥𝘦𝘴 𝘱𝘩𝘰𝘵𝘰𝘨𝘳𝘢𝘱𝘩𝘪𝘦𝘴 𝘢̀ 𝘭’𝘢𝘱𝘱𝘢𝘳𝘦𝘪𝘭 𝘫𝘦𝘵𝘢𝘣𝘭𝘦, 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘱𝘦𝘪𝘨𝘯𝘰𝘯𝘴 𝘥𝘦𝘴𝘴𝘶𝘴, 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘺 𝘱𝘰𝘴𝘰𝘯𝘴 𝘥𝘦𝘴 𝘮𝘰𝘵𝘴 ». De cette manière la parole revient et surtout une image d’elles-mêmes qui échappe au cliché misérabiliste. Montrer combien ces femmes âgées de 19 à 55 ont des ressources, des envies, la capacité de dire, malgré cette dureté permanente, de conserver cette beauté.
De la même façon qu’elle a travaillé dans des services hospitaliers (pédopsychiatrie à Trousseau et Debré), « Ce qu’il reste au fond de moi » libère la parole et rétablit le lien. Ces femmes, victimes de violences, chassées de chez elles, loin de leurs pays d’origine, dans un désarroi total, ont pu disposer de ces passerelles. Un atelier, une ou deux fois par semaine, dans un endroit humain, c’est-à-dire dans une capacité de retrouver un nom, une place, du courage, c’est bien plus que de créer des images. L’exposition actuelle, montrée à Toulouse, a reçu le prix Caritas Photo sociale. Elle sera visible à Paris, début 2023. Gardons les yeux ouverts.
Prix Caritas / Photo sociale / Exposition du 13 au 28 janvier 2023, Galerie VU’, Hôtel Paul Delaroche, 58 rue Saint-Lazare, 75009 Paris.
http://www.galerievu.com
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : by courtesy K. Assayag.
Contact : Karen Assayag | Facebook
Repères :
Karen Assayag est née à Casablanca (Maroc). Elle y a vécu jusqu’à ses 17 ans, avant de venir en France. Pendant plus de dix ans, elle travaillera en agence de publicité. A partir de 2012, elle se consacre exclusivement à la photographie. Membre du studio Hans Lucas depuis 2013.
Karen est première finaliste du Prix Caritas Photo Sociale 2022.
Source : Fondation Caritas France
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