Certaines œuvres arrivent avec des mots et d’autres sont dans la pensée. Elles n’ont besoin d’aucune démonstration. Leur évidence est dans le poids et la fonction organique, interne qui les animent. Bien sûr, cette jolie phrase revêt un sens différent selon la personne qui va la lire. Disons que la sculpture langage raconte quelque chose. Elle le dit avec tout son talent articulé. De son côté, la sculpture pensée va à l’évidence sans le mot , privée de la démonstration. Ce matin, l’œuvre de Siriki Ky est venue de cette manière.
Je me méfie des mots. C’est un sentiment très explicable, parce que j’en reconnais la nature proche de celle d’une guirlande. Moins on me dit, mieux je me sens. Et cette sculpture m’a laissé ce sentiment immédiat d’innocence et de bien-être. Je vais être obligé de dire que c’était dans sa forme qui est celle d’un véhicule. Et en même temps celle d’une boîte. J’éprouve pour le véhicule et le mouvement un grand respect. J’adore ça en fait. Le mouvement me rend comme un gamin. Et puis, j’aime les boîtes, qui contiennent, qui recèlent, les boites reprises au temps, reconverties à d’autres croyances. J’ai regardé ces deux personnages de Siriki qui pourraient emprunter une pirogue. Mais qui sont d’abord dans cette boite libre et très ancienne, une antique pirogue, qui permet d’aller d’’une berge à l’autre.
Ce matin, j’ai eu envie d’une chose qui serait de prendre une boîte avion et de monter vers les fjords lointains, traversés de drakkars et de brumes. A bord de ces boîtes, le plus souvent guerrières, voyagent des morts, des rois, d’antiques croyances. Un jour, je partirai pour ce lieu, et je demanderai à ce que ma boîte s’enflamme sur l’eau noire qui est mon Afrique froide.
« C’est très important, non seulement au Burkina Faso mais partout en Afrique, parce que nous voyons de plus en plus de jeunes formés à la sculpture qui la délaissent, faute de débouchés, et s’orientent vers la peinture, qui se vend mieux dit-on, et se transporte plus facilement d’une exposition à une autre. (…) L’Afrique est pourtant le continent de la sculpture par excellence, à travers ses masques et ses statuettes, même si ce sont à l’origine des objets de rite et que ceux qui les ont réalisés n’étaient pas des artistes. » Siriki Ky (Diptyk mag’)
Roger Calmé
Photo by courtesy Agence Deneulin
A lire : Siriki Ky : « Les jeunes délaissent la sculpture faute de débouchés » – Diptyk Magazine
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Repères :
Né en 1953 à Abidjan, Ky Siriki, est un sculpteur Burkinabé. Il a vécu et étudié les beaux-arts en Côte d’Ivoire avant de s’installer au Burkina Faso. Créateur du symposium de sculpture de Laongo au Burkina. Commissaire du symposium de Ben Amira en Mauritanie.
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