A cette époque, vous vous rappelez, la planète était rongée par l’angoisse. Un virus sans pitié, de forme géométrique et de couleur rose frappait la population. Les vieux tombaient comme des mouches. Les magasins de nourriture étaient pris d’assaut par des gens qui avaient faim. Et la police tirait à balles réelles. En Afrique, que gouvernent les hommes léopards, c’était franchement la m… Autant dire que les artistes, sans la moindre ressource, avaient mangé leurs tubes de couleurs et regardaient le ciel dans l’attente de la rédemption.
Alors les galeries ont dit qu’elles allaient se battre et donner de la visibilité aux créateurs black. La visibilité ! La galerie Chauvy était l’une des premières à monter au créneau. Depuis des années, la vieille dame expose les oeuvres de Wole Lagunju. Ce peintre du Nigéria, non dépourvu de talent, a tendance à réaliser inlassablement la même toile. Lagunju aime les jeunes hommes élégants et Chauvy , commerçante remplie de bons sentiments, doit l’inciter à produire ces tableaux mille fois rebattus. La visibilité de l’artiste, man…. et le fric qu’il génère, sans voir à investir et trop se casser la gnognote !
Dans la foulée, d’autres échoppes comme Afikaris ont embrayé sur le même tempo. Et voilà les toiles répétitives de Moustapha Baidi Oumarou qu’on raccroche. C’est super apaisant, Baidi Oumarou, comme un Tranxène 50, et on boit des drinks sous les étoiles. Et l’Afrique ressemble à une party branchée au bord d’une piscine californienne.
Visibilité ? Prenez l’exemple d’ »Out of Africa » (Barcelone) qui nous ressert les mêmes flicards de Bob-nosa Uwagboe et leurs cacas de couleur orange. Bob est un artiste « engagé », c’est incontestable et pour bien nous en convaincre, il montre les mêmes forces de police qui ont des pénis qui pendouillent et des étrons aussi. On pourrait à dire à Sorella (jeune femme blonde délicieuse) que l’Afrique recèle des milliers de peintres. Ils expriment des containers de réalités engagées, nécessaires et bruyantes, mais dont personne ne sait rien. Où sont-ils ? Qui sont-ils? Sorella hausse les épaules. Elle a un business et Bob-nosa lui remplit son bas de laine.
Naturellement, il y a des exceptions et c’est un bonheur de le dire. Les toiles d’Omar Mafhoudi ou encore le travail d’Oumar Ball et de Hyacinthe Ouattara… Mais dans la plupart des cas, la galerie française vit sur son stock. Deux ou trois fois dans l’année, elle pond un texte sans la moindre valeur, un texte sous tranquilisant qui emploie les mêmes termes et pourrait aussi convenir à la vente d’un canapé ou d’un lampadaire.
Visibilité ? Pas un photographe marocain ou égyptien n’est présenté, et pourtant il y a de la matière, pas de peintre du Zimbabwe, aucune sculpteure du Burkina ou de plasticienne des Emirats. Des exceptions? Evidemment, mais dans l’immensité du désert l’arbre du Ténéré peut-il faire figure de forêt ?
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : DR
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