Sans doute est-ce l’image qui a le plus fait parler durant ces J-O de Mexico (1968). Le 16 octobre, Tommie Smith remporte le 200 m, en établissant un nouveau record du monde (19’’ 83). John Carlos, son compatriote, est troisième. Lors de la remise des médailles, les deux sprinters américains montent sur le podium et brandissent le poing ganté de noir.
Ce geste est le moyen d’attirer l’attention sur la répression que les Noirs sont en train de subir en Amérique. Absence de droits, pauvreté endémique, privation des soins et de l’éducation, victimes de la violence et la répression policière, dans quel ordre placer les mots ? Le directeur du FBI, J. Edgar Hoover, juge alors la contestation comme la pire ennemie de la démocratie. Il est bien décidé à l’éliminer physiquement. Les exécutions sommaires se succèdent. Le COINTELPRO fonctionne à plein régime


Le poing levé par Smith et Carlos a fait l’objet d’une image historique et Samuel Fosso l’a reprise dans sa série African Spirits (2008). Elle côtoie d’autres clichés dans lesquels il se met en scène, le plus fidèlement possible à l’original. Tour à tour, apparaissent Angela Davis, le pasteur Luther King, Mohammed Ali, tout comme les personnalités africaines qui jalonnent cette longue marche. « Mon objectif était de remettre en scène des images et des personnages clés de cette histoire, de (Luther) King lors du mouvement américain des droits civiques à Kwame Nkrumah, Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire lors de l’indépendance et de la libération de l’Afrique. A mon sens, toutes ces luttes avaient un point commun, c’est l’histoire de l’esclavage (…) », écrit-il à la parution de ce travail.
Dans de nombreuses œuvres, Samuel Fosso évoque ce déplacement de l’image, au travers du temps et la permanence du regard qu’elle inspire. Ces autoportraits (qui n’en sont pas) sont une façon de dire aussi que nous serons toujours les enfants de l’Histoire, qui perpétuent la raison fondamentale, dans cette souffrance et cette guérison, dans ce désir de dire ce qui a été et ce qui est. Fosso met en lumière ce long chemin, une fois descendu du podium, dans l’attente du jour qui vient, la mort de Hoover et l’élection d’Obama.
RC (ZO mag’)
© Samuel Fosso, Courtesy JM Patras / Paris.
Série African Spirits | Samuel Fosso
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