Le regard que l’Occident pose sur les problématiques africaines n’est jamais le même que celui porté par des témoins locaux. La réalité s’éclaire toujours de façon différente. Ne serait-ce que par les conditions de travail et la liberté de propos très relative, ce type de reportage a rarement l’occasion d’être mené. C’est dire l’intérêt de « Congo in conversation », qui donne la parole et l’image à une dizaine de photoreporters congolais.
A l’origine, il s’agissait d’un projet du canadien Finbarr O’Reilly, récent Prix Carmignac de photojournalisme. La crise du coronavirus ne l’a pas permis. Les frontières closes, le projet évolue. En accord avec la fondation Carmignac et différents intervenants (dont le CPI et le Crisis group), une dizaine de ces photographes sont invités à s’ « exprimer » sur le Congo. Comme le dit dans cet ouvrage Comfort Ero (directrice Afrique de Crisis Group), « Certaines critiques acerbes pointent (…) le voyeurisme dans le travail des journalistes et des photographes. Ma réponse est simple : que nous choisissions ou non de la regarder, la souffrance existe. Donc, si l’on cherche un moyen efficace de militer pour la fin de la guerre, les images peuvent y aider. »

Finbatt O’Reilly le disait quand il s’exprimait sur son travail. Ce genre d’entreprise permet au reporter de comprendre la place que l’Occident tient dans ce jeu de miroirs. Il faut mesurer la réalité et la période de transition à la lumière « de l’histoire coloniale et de l’impact de l’exploitation permanente des industries extractives sur la vie des Congolais. » Les reportages des photographes soulignent la complicité jamais démentie depuis l’indépendance. La fragilité de ce grand corps a des raisons connues et les reporters les épinglent, une à une, dans des photographies dépourvues de pathos, parfois ironiques, le plus souvent limitées à l’essentiel.

En juin dernier, Finbatt O’Reilly avait publié son propre livre sur la RDC sous le titre d’« Une lutte sublime ». « Congo in conversation » ne donne aucun adjectif, il évoque un pluriel de situations. Son poids est celui du constat. Hélas, dans un pays où seulement 5% de la population a accès à l’ Internet, sans parler des livres qui sont inexistants, ce seront toujours des images « interdites ». Les photographies de Guylain Balume Muhindo, Arlette Bachizi, Dieudonné Dirole, Justin Makangara, Danny Matsongani, Guerchom Ndebo, Raïssa Karama Rwizibuka, Charly Kaséréka, Moïse Sawasawa, Paméla Tulizo, Ley Uwera, Bernadette Vivuya, n’en restent pas moins nécessaires.
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RC (ZO mag’)
Congo in Conversation, jusqu’16 octobre 2022, Bronx Documentary Center, New York (USA)
https://www.bronxdoc.org/
A lire: « Congo, Une Lutte Sublime », monographie de Finbarr O’Reilly, lauréat de la 11e édition du Prix Carmignac du photojournalisme consacrée à la République démocratique du Congo.
Editions Reliefs et Fondation Carmignac
https://www.fondationcarmignac.com/fr/congo-une-lutte-sublime-monographie-de-finbarr-oreilly/
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