En août dernier, des pluies violentes ont frappé Nouakchott. Sur cette terre aussi sèche qu’une poterie au sortir du four, ce déluge d’eau détruit, coupe, emporte. Les maisons effondrées, les routes inondées, les cultures arrachées. Il en est ainsi régulièrement. Mais rien n’est fait. Pour l’artiste, il ne s’agit plus de faire de la belle image, mais de dire. Amy Sow est de cette catégorie. Elle ne réfléchit pas son travail et ses recherches plasticiennes comme un acte solitaire. Le langage qu’elle parle et photographie est celui de tous. Il n’existe aucun mur entre la société mauritanienne et son appareil.
Depuis quinze ans qu’elle a pris cette direction, Amy a engagé plusieurs combats contre l’inégalité, contre l’ostracisme, l’absence d’éducation, les spoliations faites aux femmes. Ce ne sont pas des mots, mais des photographies remplis de sens. A l’image de cet autoportrait qu’elle met en ligne ces derniers jours et qui la montre brandissant un carton rouge. Stop ! Parce que l’art engage autre chose que des images dans des galeries bien éclairées. A cet instant, des manifestations se prononcent pour le respect de la langue originelle, le peul, alors que l’état veut arabiser l’enseignement. In-culture, in-tolérance, in-cohérence des pouvoirs. Il ne s’agit pas seulement de la Mauritanie et l’art est là qui le dit.


Il y a cinq ans, la photographe a ouvert une galerie à Nouakchott, avec Dieynaba Andiom, doctorante sénégalaise. De nombreux sujets les lient qui ont trait aux problèmes sociétaux et cette place si difficile à trouver pour une femme. En 2019, elle en parlait dans les colonnes de Kassataya, média en ligne national. En Mauritanie, une femme peut recevoir jusqu’à cent coups de fouets pour avoir pratiqué la « Zina » – des relations sexuelles hors-mariage – , même… s’il s’agit d’un viol ! « Il fallait arrêter de peindre des dunes et des chameaux. Nous vivons dans un monde pervers, où il y a trop de violence. J’ai donc décidé de lancer un cri d’alarme. Il fallait alerter, dénoncer la violence faite aux femmes… il fallait passer à l’essentiel. »
La photographie d’Amy Sow est à cette image. L’art est un outil politique. « Je voulais perturber car l’art, lorsqu’il est politique, éveille les consciences, multiplie la connaissance, stimule l’intelligence et raffine la pensée », poursuivait-elle. Aujourd’hui, c’est de la langue qu’il est question.Son adresse Facebook est donc très révélatrice. Des artistes mauritaniens comme Oumar Ball (1er Prix de la Biennale d’Ouagadougou) l’assurent de leur soutien. Parce qu’il y a du sens et une capacité plasticienne intacte, capable de dire, dans des couleurs et des formes, le fond du problème.

Ses plus récents travaux, exposés à Rabat (Rencontres photographiques) et Saint-Louis (Itinéraires artistiques) alternent des noirs et blancs percutants et des couleurs comme des orages. Ses turbans rouges, ces cartons brandis, ne doivent prêter à aucune confusion. Il ne s’agit pas d’une esthétique racoleuse, mais de la couleur de la vie, et de cette énergie que rien ne peut altérer.
« Si nous avions une école de beaux-arts, je pense que cela contribuerait à réduire la criminalité, peut-être même la mendicité. Pourquoi pas ? L’art vous aide à vous intégrer. » Amy Sow
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Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : © Amy Sow
Contact: https://amysowblog.wordpress.com/
FB : (20+) Amy Sow | Facebook
Et: amiart2005@yahoo.fr
Repères:
Amy Sow est née en 1977 à Nouakchott (Mauritanie), où elle a fait ses études primaires et secondaires. Elle participe à différentes résidences d’artistes en Mauritanie en 2007, organisées par des coopérations étrangères. En 2013, elle participe à la 1ère résidence de photographie euromaghrébine à Sfax (Tunisie).
En 2017, elle crée une galerie à Nouakchott, Art Gallé (« Viens à la maison », en langue peule).
Actuellement, vice-présidente de M-art, collectif d’artistes plasticiens mauritaniens et déléguée de l’Association des artistes maghrébines.
Expositions :
2005: Musée National de Nouakchott (Mauritanie), Bâtiment des Nations Unies à Nouakchott (Mauritanie);
2006: Collective à la Fondation Moctar Ould Daddah (obtention du 1er prix de peinture) – ENVOZART (Belgique);
2007: Galerie Sinaa, Nouakchott (Mauritanie), Centre Culturel Marocain de Nouakchott.
2008: Festival des Arts Plastiques Oujda (Maroc).
2009: exposition collective «Fête de la femme» au Centre Culturel Français de Nouakchott.
2010: exposition collective à la Rencontre Maghrébine des Arts Plastiques à BBA (Algérie).
Collective au Musée National de Nouakchott dans le cadre du 1er festival mauritanien des arts plastique « Libre Art ».
2011: 2ème Festival des Arts Plastiques de Tanger (Maroc).
2012: Projet «Art Galle promouvoir l’art dans les régions de la Mauritanie » en collaboration avec l’Ambassade des États-Unis.
Participation aux expositions collectives du «LE PROJET SFAX» à Sfax et Tunis (Tunisie). Puis à Barcelone et Bruxelles en 2013, 2014 et 2015.
2015 : « Lumières d’Afriques » palais du Chaillot, Paris (France).
2016 : « Deux femmes, deux regards », musée des arts Tenerife (Espagne).
« Femmes muselées », Institut français, Nouakchott.
Lumières d’Afriques, fondation Domwahi, Abidjan (Côte d‘Ivoire).
2017 : Collective « Chemins du sacré » Institut du monde arabe, Paris (France).
2018 : Exposition individuelle, Maison Jamm, Saint Louis (Sénégal).
Collective Tafanga, galerie Medina, Bamako (Mali).
2019 : Collective, palais Houdaya, Biennale Rabat (Maroc).
Individuelle, galerie Argallé, Nouakchott.
2020 : « Au fil de l’eau », ArtGallé Nouakchott.
Collective « Donnons une seconde vie à la matière », Institut français, Nouakchott.
2021 : Collective «L’art doit continuer de vivre », ArtGallé, Nouakchott.
2022 : Collective Rencontres photographiques de Rabat (Maroc).
Galerie Nosbaum, Luxembourg.
Itinéraires artistiques de Saint Louis (Sénégal)