La photographie de Younes Fizazi figure un pont immense, récemment construit, qui franchit un oued. Sur la gauche, suivant un chemin parallèle, un paysan marche. Deux routes très différentes, dans un temps qui trace des possibilités difficilement compatibles. Une image forte qui rappelle celle de François Xavier Gbré (Côte d’Ivoire), prix Roederer 2020. Là encore un pont, une construction chinoise qui enjambe toute l’image et un homme minuscule, au pied de cette pyramide horizontale.
Abdilah Jorio est enseignant à la retraite. Depuis un an, il multiplie les textes en accompagnement d’œuvres peintes et plus rarement de photographies. Il écrit de la poésie. Des textes qui sont en prolongement de l’image une autre manière de l’articuler. La photographie de Younes lui a ouvert un espace métaphysique. Une image et un texte qui participent d’une respiration comparable, sous ce ciel immense, dans cette minéralité de la terre marocaine, sous la lumière d’un soleil vieux de quatre milliards d’années. L’éternité d’un homme tient aussi à sa mortalité, sa non-existence. Dans un instant, il aura disparu. L’oubli immense est un linceul de lumière. Les psaumes de la terre, dit-il, la marche vers les non-lieux.
(RC, ZO mag’)
Dernière marche vers les non lieux
L’aura en guenilles
Cheminement des joies balbutiantes
Voir défiler les reflets
S’arcbouter pour respirer les psaumes de la terre
Délivrer son silence de la pensée
Se mirer dans tout ce qui vibre
Comme si on comptait pour la dernière fois ses fibres
Pour se délaisser, prendre racine dans l’éther
Redevenir grain dans l’univers
Poème d’Abdilah Jorio
Photo de Younes Fizazi
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