Cette fois, c’est un Africain qui parle de la photo africaine. Azu Nwagbogu (43 ans) est à l’origine du Lagos Photo festival, initié en 2010. En l’espace de dix ans, il en a fait un lieu de ralliement, profondément accroché aux questions du Continent. Elles sont en rapport avec la mémoire, le temps, la réalité et ses narrations possibles… Des questions que les photographes africains explorent, et ils sont en grand nombre. Cette dernière notion est importante. Azu Nwagbogu ne croit pas trop dans la vertu des élites, quand elles demeurent les seules visibles.
En 2016, les Rencontres d’Arles l’ont invité pour présenter Nollywood (« Tear my bra »). Et c’est une chance formidable de mettre justement l’éclairage sur de la fabrication d’images africaines, faite avec des moyens limités, par des réalisateurs qui s’étaient fait la main dans les mariages et les enterrements. « La nouvelle photographie africaine évolue d’une façon similaire. Même économie de moyens. Même génération spontanée. Ce qu’elle offre peut parfois décontenancer des regards occidentaux ou même choquer des Africains, mais des images encore inimaginables il y a une dizaine d’années commencent à surgir« , disait-il au magazine Géo (*).


Il y a deux ans, au moment des manifestations contre les violences policières, Azu Nwagbogu apportait un soutien immédiat à la photographie de presse, victime de brutalités et d’arrestations arbitraires. Le mot « démocratie » n’est pas une image vide de sens. Et la photographie y joue également son rôle. « A Lagos, ma ville, on voit surgir dans des quartiers très populaires tels que Makoko, Ajegunle ou Oshodi des jeunes gens et des jeunes femmes qui ont envie de faire de la photo. Notre festival organise pour eux des rencontres et des workshops. Permettre à ces jeunes d’accéder à la photographie est une manière de contribuer à la consolidation de la démocratie sur notre continent, » ajoutait-il.
A The Guardian(*), dans une interview volontaire, il précisait sa vision « politique » de la perception de l’art africain en Europe. Pourquoi reste-il aussi marginal ? Combien de noms sont retenus ? Quelle attente dans les administrations qui délivrent les visas (!) ? Et il en est de même quand un curateur africain parvient à rejoindre le rivage. Au moment de son exposition à Arles, il le disait de cette manière : « Ce n’est pas drôle d’aller dans un endroit comme le festival d’Arles et d’être le seul conservateur noir. Mon sentiment est que nous devons nous régénérer sinon vous jouez dans cette mentalité post-coloniale, dans laquelle les conservateurs noirs sont constamment en insécurité et se font concurrence comme s’il n’y avait de place que pour un seul conservateur superstar. » Difficile d’être plus clair.
« La nouvelle photographie africaine évolue d’une façon similaire (que Nollywood, ndr). Même économie de moyens. Même génération spontanée. Ce qu’elle offre peut parfois décontenancer des regards occidentaux ou même choquer des Africains, mais des images encore inimaginables il y a une dizaine d’années commencent à surgir. » Azu Nwagbogu
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : DR et LagosPhoto Festival
Photo d’ouverture: copyright Kudzanai Chiurai
A lire : « Nous avons perdu un membre » : Azu Nwagbogu, le conservateur visionnaire qui ramène l’art africain à la maison | | de photographie Le Gardien (theguardian.com)
(*)Les nouveaux maîtres de la photographie africaine – Geo.fr
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