La question que Lee-Ann Olwage pose, autant à elle qu’à la réalité, est de savoir de quel courage la vie a-t-elle besoin pour prononcer les choses. Ce sont des mots indispensables désormais. La figuration n’a aucun sens, l’oubli et l’absence sont impossibles. Il faut avoir la bouche et le dire. La photographe sud-africaine a construit ainsi plusieurs séries qui parlent de la résistance nécessaire. L’un d’entre eux s’appelle « Black Drag Magic », réalisé en collaboration avec Belinda Qaqamba Ka-Fassie, au Cap, dans une communauté particulièrement exposée à la vexation, à l’exaction physique et au rejet.
Sur ces images, des filles très belles (qui n’en sont pas), dans des robes de soirée et des quartiers de misère, disent la contradiction nécessaire. Contredire, c’est affirmer au contraire du courant dominant un choix qui est le vôtre. Contredire, c’est entrer en résistance. L’exposition que propose Bonne Espérance Gallery accroche certains de ces portraits. Dans ces décombres de la société, devant ces marchandes de braise, au fond de ces terrains vagues, les « queens » de Lee-Ann Olwage montrent la beauté possible, qui n’est pas simplement la leur, mais la fierté envisageable. Même quand on habite le ghetto.

En cela, la photographe atteint un double objectif. Participer à cette joie, c’est reconstruire un cadre social sur d’autres fondations que la haine et l’exclusion. Les personnes rencontrées vont toutes dans ce sens. Bien sûr la question de la masculinité et de la féminité demeure au centre, mais elles évoquent aussi l’éducation, la santé, le soutien aux familles démunies. A l’image de Liyana Arianna Madikezela et Shakira Mabika, l’existence des drag queens, dans un township est celle de tout un chacun (e). « L’éducation est le seul moyen de survivre », dit Madikezela. « Lorsque vous êtes éduqué, vous gagnez le respect dans le canton, peu importe ce que vous êtes. »
Les images de Lee-Ann Olwage ont été remarquées par de grands médias occidentaux et ont remporté plusieurs prix. Désormais, elles se prolongent, elles aussi, dans un travail plasticien qui n’est pas un hasard. En associant les deux langages, la galerie suggère une idée simple, que l’art est toujours dans un prolongement concret de l’humain, de ses lieux et de son âme. La dualité est humaine. L’unicité une construction abstraite.

« La photographie est le miroir le plus dur que je me sois tenu. Votre travail est le reflet de votre état d’esprit et le révèle au monde. (…) Il faut beaucoup de temps pour décoller les couches de vous-même et pour le montrer au monde. » Lee-Ann Olwage
Fête, de Lee-Ann Olwage, du 1er sept. au 29 octobre 2022, Bonne Espérance Gallery (Paris)
https://bonne-esperance-gallery.com/exhibition/lee-ann-olwage-celebration/
RC (ZO mag’)
Photos: Lee-Ann Olwage, by courtesy Bonne Espérance Gallery (Paris).
https://www.leeannolwage.com/
A lire: https://www.theguardian.com/global-development/2020/mar/13/dance-south-africans-graduate-high-school
Repères:
Lee-Ann Olwage est née en 1986 à Durban (Afrique du Sud).
Expositions:
2021: Deichtorhallen Hamburg Affaires familiales.
Pride Photo Award, Pays-Bas.
Aspire X PLP Vente aux enchères de photographie africaine.
2020: World Press Photo, Festival de la photo d’Athènes (Grèce).
2019: Head On Photo Festival, Sydney (Australie).
2018: Une vie immobile, Photo Katmandou (Népal).
2017: Les Interrupteurs, Amplify Studio, Le Cap (Afrique du sud).
2016: The Prison Freedom Project, Ongaro Studio, Le Cap.
2014: Silent Moments, Bello Studio, Le Cap.
Prix:
Prix World Press Photo, 2020.
Gagnante de « THIS IS GENDER », 2021.
Prix Pride Photo, 2021.
Marilyn Stafford Fotoreportage award (finaliste), 2021.
Prix CAP, 2022.
Sélectionnée pour le New York Times Review, 2022.
Contact: leeann.olwage@gmail.com
Tél.: (+27) 71 675 83 72
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