Afrique du sud / photographie / Buhlebezwe Siwani /

Il s’agit d’une image photographique, mais il pourrait s’agir d’autre chose, d’une installation, d’un film ou d’une performance. D’ailleurs, c’est à ce support que Buhlebezwe Siwani pense le plus souvent quand une idée se présente. L’usage lui vient de son enfance. A l’âge de 5 ans, elle participait déjà à des mises en scènes théâtrales. Ça se passait en Afrique du sud, dans un township, et cette figuration était celle du bonheur auquel les enfants aspiraient. « Peu de temps après, l’Afrique du sud est entrée dans sa démocratie et le township a évolué d’une manière que nous ne pouvions pas voir, mais nos performances et nos danses ont aussi changé, » écrit-elle.

Dans ce choix du support photographique, la raison est « organique », liée à la nature même du sujet qu’elle aborde. Cette fois, il s’agit de l’eau et plus précisément de la mer. Buhlebezwe Siwani aime à souligner son aspect sacré qui nourrit de nombreux rituels. Les communautés noires et afro-descendantes lui attribuent une grande importance. Le 1er janvier notamment, elle s’est rappelée ce que sa grand-mère attribuait à ce bain annuel. Les générations d’aujourd’hui ont tendance à oublier quel était la raison de cette baignade et ses vertus purificatrices. Le travail de l’artiste rétablit ce lien.

Et c’est justement cet aspect que son récent travail (présenté lors d’Africa 2020) aborde. « La photo, l’image fixe, incarne un ancêtre. Une vidéo symbolise un événement historique qui s’est déroulé à un endroit particulier. Cela devient un dispositif qui renvoie à un élément du passé, à la fois une présence et une absence, » explique-t-elle. Cette restitution par l’image permet de rétablir le contact avec ceux qui nous précèdent. L’œuvre devient un espace de rencontre, la possibilité de restaurer le dialogue.

Les thématiques que Buhlebezwe Siwani aborde sont intimement liées à ce pluriel des espaces et des temporalités. La jeune femme est également sangouma (guérisseuse traditionnelle). En 2021, suite à une résidence à la Cité internationale des arts (Paris), elle présentait une performance sur le « Pouvoirs des mains ». Eclairer, guérir, combattre l’obscurité liée à l’oubli, établir entre les époques de possibles réconciliations. Si elle se partage entre Amsterdam et l’Afrique du sud, Buhlebezwe Siwani souligne l’importance de cette dualité : « Amsterdam suscite en moi des émotions particulières liées à la colonisation de mon peuple par les Néerlandais (…). Il m’a donc fallu m’accommoder à cette ville. C’est la raison pour laquelle j’exerce cette activité. Je le fais pour rendre hommage à notre passé afin que personne ne l’oublie et pour mettre en lumière ce dont on ne se souvient plus, principalement la spiritualité. »

Dès que la situation le lui permet, Buhlebezwe Siwani repart pour le Cap. Elle tourne et elle photographie, puis elle achève son travail en Europe, dans une affirmation justifiée de son histoire. De ce temps, il faut encore se souvenir.

« À mes yeux, il est important de laisser l’œuvre parler d’elle-même. Quand je commence à en créer une, je crois qu’elle part d’abord d’une idée performative dans ma tête avant de se développer à partir de ce point-là. (…) Je ne la vois pas automatiquement comme une vidéo ou une photo. Je commence à toucher et à observer des choses, avant que l’idée ne se manifeste spontanément. » Buhlebezwe Siwani.

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : Buhlebezwe Siwani
https://www.buhlebezwesiwani.com/

A lire: https://www.bode-projects.com/blog/31-in-conversation-with-buhlebezwe-siwani-episode-3-interview-with-buhlebezwe-siwani-bode-projects/

Repères:
Buhlebezwe Siwani est né à Johannesburg, en Afrique du Sud, en 1987. Par la suite, elle a vécu dans de multiples endroits comme le Cap-Oriental et le KwaZulu Natal. Elle a obtenu son BAFA à la Wits School of Arts de Johannesburg en 2011 et sa maîtrise en beaux-arts à la Michealis School of Fine Arts en 2015. Son parcours emprunte aussi bien à la photographie, les installations, le travail plasticien.
Buhlebezwe Siwani a remporté les Standard Bank Young Artists Awards 2021 dans la catégorie arts visuels.
Elle vit et travaille actuellement entre Le Cap et Amsterdam.

Expositions individuelles et collectives (sélection):
2022: Biennale de Toronto, Toronto, Canada.
     All Eyes, AkzoNobel Art Foundation, Amsterdam, Pays-Bas.
     Raw, Rembrandthuis, Amsterdam.
     AmaHubo, Spier light festival, Le Cap, Afrique du sud.
     Repenser la nature, Musée Madre, Naples, Italie.
     Amahubo, Iziko, Le Cap, Afrique du Sud.
     Impilo Inegama, NMAG, Amsterdam.
     Woman to Woman, Galerie BODE, Berlin, Allemagne.
2021: Déesses de la guérison, M.Bassy, Hambourg, Allemagne.
     Amitié.Nature.Culture. Daimler Art Collection, Berlin.
     Vroom Vroom, biennale BISO, Ouagadougou, Burkina Faso.
     Any Given Sunday, Rupert Museum, Stellenbosch, Afrique du Sud.
     Avalanche, Pal Project, Paris, France (exposition collective).
     Couleur [projections sur] peau, CBK Zuidoost, Amsterdam.
     Vantage Point, Sharjah Art Foundation, Sharjah, Émirats arabes unis.
     ukuQhaqha, Camera Work, Ravenne, Italie.
     Sonsbeek 20-24, Force Times Distance On Labour And It’s Sonic Ecologies, Arnhem, Pays-Bas.
     Le pouvoir de mes mains, MAM VP, Paris.
     That Hidden Thread, Nirox, Johannesburg.
     Sortez de votre corps, entrez dans de nouveau, Galerie Peter Kilchmann, Zurich, Suisse.
     Living, Pardonner, Se souvenir, Kunsthal Bergen, Norvège.
     Dedisa Ubumnyama (exposition personnelle), Cairns Art Gallery, Cairns, Australie.
     Vivre, pardonner, se souvenir, Musée Arnhem, Arnhem, Pays-Bas.
2020: Indlovukazi, Woordfees, Stellenbosch, Afrique du Sud.
     Portraits viraux, Moderna galerija/Musée d’art moderne, Ljubljana, Slovénie.   
     Materiality, Iziko National Gallery, Le Cap, Afrique du sud.
2019: Art et cosmologie, JAG, Johannesburg.
     Rencontres photographiques de Bamako, Bamako, Mali.
     Cosmopolis #2, Centre Pompidou, Paris.
     14e Biennale de Curitiba, Curitiba, Brésil.
     OurSelfie, Mo Museum, Vilinius, Lituanie.
     Festival du film : Projections / Romano, Löffel, Siwani, Galeria Studio, Varsovie, Pologne.
     Othunjiweyo, Galeria Madragoa, Lisbonne, Portugal.
2018: Zones tampons, Plate-forme, Vaasa, Finlande.
     Continental Drift, Cairns Art Gallery, Queensland, Australie.
     In-cence, No Man’s Art Gallery, Amsterdam.
     « Qab’imbola », WHATIFTHEWORLD, Le Cap.
     « L’œil ne se voit pas lui-même », Nicodim Gallery, Los Angeles, USA.
     « Nuit bleue sang blanc », Centre d’art contemporain d’Alfortville, Alfortville, France.
     Investec Cape Town Art Fair, Présentation solo, Le Cap.
2017: Encima, Galeria Madragoa, Lisbonne.
     Biennale de COIMBRA, Coimbra, Portugal.
     The House, Twil Art Studios, Johannesburg.
     « Chère Histoire, ce n’est pas moi, c’est vous », LBK/G Gallery, Hambourg, Allemagne.
     O CÉU DOS OBLÍQUOS, Galeria Madragoa, Portugal.
     « Mémoire profonde », Kalmar Art Museum, Suède.
     « Être là », Fondation Louis Vuitton, Paris.

2016: Rote Fabrik, résidence Pro Helevetia, Zurich, Suisse.
     « Quiet Violence of Dreams », Exposition de groupe, galerie Stevenson, Le Cap.
     « Imfazwe Yenkaba », session 3 de l’ITC, Langa, Le Cap.
     « Indlovukazi, Njelele » Art Station, Harare, Zimbabwe.
     Imfihlo, Worldart, Le Cap.
     Salon d’été Rose Korber, Provenance Auction House, Le Cap.
2015: Joburg Fringe, Johannesburg.
     Watch and Talk, résidence de 10 jours, Zurich, Suisse.
     Décoloniser l’amour, Liste art Fair, Bâle, Suisse.

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