Il peut s’agir de la fin du jour. Ce sentiment vient à regarder les images de Lola Khalfa. Vous parcourez les rues et les pièces d’une cité en train de s’éteindre. Les silhouettes des passants apparaissent comme incertaines. Sont-elles toujours vivantes ou appartiennent-elles au souvenir ? Depuis quelques années, la « nouvelle photographie algérienne » est fortement sensible à ce type d’évocation. De nombreux créateurs ont grandi dans les « années de plomb ». La société préfère souvent ne pas en parler. Ces photographes ont décidé au contraire de mettre dans la lumière la décennie dramatique et les séquelles dont elle a marqué les esprits.
Lola Khalfa est en cela une photographe engagée. « L’Algérie rurale, autoritaire et en conflit civil ont longtemps été au cœur de son œuvre », écrit à son sujet un article sur la création actuelle du pays. Dans ces rues sombres, passent des personnages courbés, indécis, des prisonniers, des otages de l’histoire. Il est possible que ces scènes se soient déroulées à Alger, à Oran ou dans les quartiers parisiens. Même atmosphère, même pesanteur. « Je juxtapose les royaumes propres à toute société : modernité et patrimoine, richesse et pauvreté… Des métaphores qui montrent la désintégration sociale… Un mélange qui fragmente la surface de la réalité. » La désintégration sociale est une maladie planétaire et la pellicule de Lola Khalfa enregistre ses dernières convulsions.


Plus récemment, la photographe alterne des séries intimes et des constats sociétaux toujours aussi violents. La couleur ne revient que par intermittence. En 2021, elle participe encore à une collective sur la montée du racisme… en Algérie. Dans cette collective qui s’intitule « Mon ami n’est pas d’ici », elle évoque l’agression mortelle sur un étudiant zimbabwéen. Prosper avait choisi l’Algérie pour s’établir après ses études. Aucune terre n’est à l’abri de ce rejet, aucun port n’est ouvert.
« Une (…) chose qui m’a aussi frappée, c’est leur ouverture à la photographie, j’appréhendais au début la réaction des gens, mais en prenant mon courage à deux mains, j’ai été surprise par leur ouverture, entre un barbu qui fait le clown, une famille qui me demande un portrait , et des gens qui dansent sur la musique d’un clip et qui se laisse filmer sans à-priori ! » A propos du Pakistan. Lola Khalfa.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : Lola Khalfa
A lire : Photographie: Lola Khalfa construit des ponts entre nous et les autres (vinyculture.com)
Repères:
Lola Khalfa est née en 1988 à Annaba (Algérie).
Elle a suivi une formation en infographie à l’Université Badji Mokhtar (Annaba), puis comme photographe. Travaille aujourd’hui entre l’Algérie et la France.
Expositions individuelles:
2017: Dégoutage / la friche la belle de mai – Marseille, France.
2016: Under the bridge / Espace Senghor – Verson, France.
Théâtre des Venelles / musée Yvonne Guegan – Caen, France.
2015: Théâtre des venelles / Espace Senghor – Verson.
Dégoutage / galerie Barthelemy de Don PHOTOMED – Sanary-sur-Mer, France.
Anticonventionnel / galerie Albert Raum – Berlin, Allemagne.
2014: Théâtre des Venelles / Institut français – Tlemcen, Algérie.
2013: Théâtre des Venelles / Musée d’art moderne d’Alger – Alger, Algérie.
Institut français – Annaba, Algérie.
Château Coquelle – Dunkerque, France.
Collective :
2021 : Mon ami n’est pas d’ici, Tourcoing, France.
Nov 2017-février2018 : Ikbal / Arrivées : Pour une nouvelle photographie algérienne, La Belle de mai, Marseille, France.
Prix:
2016: Magnum Foundation Emergency Fund (nominée), New York, États-Unis.
Prix Paris Match – 1er prix- Paris, France.
2013: Gimmagination photography (lauréate), Rome, Italie.
2012: Grand prix photographie contemporaine (lauréate), Guelma, Algérie.