Vous auriez tort d’imaginer que ce vacarme de couleurs rime à rien. C’est même tout le contraire. Un matin, dans cette clarté de la décision, Pramod Prakash plonge au fond de lui-même une lame colorée. Il en ressort avec l’évidence que la conscience de soi est une illusion. Le peintre indien ne cesse ensuite de l’affirmer, toile après toile, et le mouvement qu’il impulse rend le tourbillon plus puissant encore. Nous ne sommes qu’éphémères, un point invisible dans un univers qui l’est tout autant. Invisible et momentané.
« Incarnation » est en cela une œuvre importante qui évoque un commencement possible au cycle des métamorphoses. Regardez avec attention. Un homme animal, dont on devine le squelette, doucement se relève. Des oiseaux l’entourent. Des roues tournent et contribuent au déplacement. Il dresse la tête, ses babines retroussées. Sans doute interroge-t-il un dieu. Parce que les dieux n’ont que ça à faire, d’assister à la naissance de l’infime.
« La vie humaine est une entité abstraite, dans un bouillonnement d’idées. Mes œuvres dépeignent ce questionnement par l’introspection de moi-même, à la lumière d’un monde qui se gâche par la tromperie, la déloyauté et la nature guerrière », écrit-il dans une introduction à ce travail. Peindre le naufrage dont personne n’a conscience et pour cela, trouver les gestes et les couleurs qui disent le chaos.
Au contraire de son travail sur Dambad (voir en annexe), Pramod Prakash use ici d’une palette éclatante. Il le dit, c’est un magma d’idées et de frictions, la proximité de tous les contraires, un jaillissement qui déjà n’existe plus. Des rouges qui soufflent comme des bourrasques, et puis du jaune, beau comme le soufre, mais surtout une gestuelle qui relève parfois de l’écriture, tant elle use du trait, balaie, rassemble et éparpille les hypothèses. Au milieu de ce capharnaüm, l’homme peine à se redresser. D’ailleurs le peut-il ? Et cette question vient aux lèvres du peintre : peut-être de revenir en arrière et rentrer dans d’autres enveloppes. Moins bruyante, moins humaine, la carcasse oubliée de ce qui nous précède.
« La vie humaine est une entité abstraite, dans un bouillonnement d’idées. Mes œuvres dépeignent ce questionnement par l’introspection de moi-même, à la lumière d’un monde qui se gâche par la tromperie, la déloyauté et la nature guerrière » Pramod Prakash
,

» Incarnation » technique mixte ( Acrylique , huile et pastels gras), 1, 52 x 1, 52m, 2022.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : Pramod Prakash
Repères :
Pramod Prakash est né en 1968, à Ulao, District de Begusarai, Bihar. Il est diplômé des Beaux-arts (master de peinture) de l’ Université Maharaja Sayajirao Rao, Baroda, Gujarat.
Contact : (20+) Pramod Prakash | Facebook
A lire aussi: https://zoes.fr/2022/06/22/inde-peinture-pramod-prakash-lextraction-de-la-couleur/
Laisser un commentaire