L’enfance multiplie les expérimentations. Elles ne sont pas toujours volontaires. L’identité par exemple, l’appartenance à un un lieu ou à une croyance… L’univers d’Anya Paintsil s’est construit de cette façon. Et elle en fait aujourd’hui la narration. Ses frères et sœurs sont les personnages de cette quête identitaire. Ils endossent des rôles pluriels, de culture africaine autant que galloise (Anya a grandi au Pays de Galles (GB). Parfois des larmes coulent de leurs yeux, parfois le soleil est une promesse. C’est par ce moyen et le recours au textile, son fil conducteur, que la plasticienne raconte le monde qui est le sien et avec lequel il va falloir vivre.
Dans une introduction à cette exposition londonienne (Ed Cross Fine Art), son commissaire parle de connection/déconnexion. « « We Are All Made of You » explore la dualité et la division, le passé et le présent. Pour cela, la pratique de Paintsil utilise l’hyper-personnel comme une lentille à travers laquelle s’inscrivent les récits les plus durables de la société. » La table familiale, la sortie de la douche, le visage de son petit frère Levi et son habillement de moine combattant, reflètent les légendes environnantes, très différentes de celles d’Accra. Anya Paintsil tisse ce métissage, plus ou moins vécu, cette hybridation des personnes qui les rend si vulnérables.


La jeune artiste n’a pas suivi de collège artistique. Ce n’est qu’au moment de la faculté qu’elle a osé mettre au jour cet univers intérieur. « C’était toujours en arrière-plan et quelque chose que je voulais garder privé. Quand j’ai eu 23 ans, j’ai voulu poursuivre l’art sérieusement. » Le port-folio qu’elle constitue alors intègre des techniques qui n’ont pas cours dans la pratique habituelle. Anya Paintsil associe le textile et le tissage des cheveux, une technique de tricotage apprise de sa grand-mère, selon des assemblages en marge de toute figuration ordinaire. De cette façon, elle entend reconsidérer les techniques, jugées d’extraction inférieures, artisanales tout au plus, en aucun cas artistiques.
Ce n’est certainement pas un hasard, juge-t-elle, si ces activités ont longtemps été réservées aux femmes. Le tissage des cheveux qui possède une telle importance en Afrique de l’ouest, grâce auquel la femme s’identifie et prend sa place, est ici dévalorisé. Par la création, il est possible de combler son absence, ou du moins d’en révéler les conséquences. « Il y a tellement de complexité, de beauté et d’habileté derrière le coiffage des cheveux(…). Mais malheureusement, il est souvent rejeté comme un acte de vanité personnelle (…). De travailler avec mes propres cheveux est un acte personnel, mais aussi politique. »

Pour illustrer ces franchissements volontaires ou forcés, cette violence muette et cette (re)conquête des mots, l’artiste propose de visiter son histoire personnelle. Autour d’elle, il y a Levi (chevalier du moyen âge) et Mair qui pleure sur le chemin de l’école. Les visages expriment ces difficultés d’appartenir à différents scénarios, certains imposés et cruels, d’autres plus acceptables. Mzis la distorsion est venue altérer son rapport au monde. L’histoire de Anya Paintsil est à cette image. Dans une réalité qui n’est pas la sienne, mais lui offre désormais de possibles dialogues. Reconquête de l’image et du langage.
« J’ai créé un portfolio et réalisé que je devais surmonter ma peur et montrer aux gens mon travail si je voulais progresser (…). La décision d’utiliser les cheveux comme matériau dans mon travail est venue d’un désir de faire reconsidérer aux gens ce qu’ils pensent que « l’art » est, ou devrait être. » Anya Paintsil.
We Are All Made of You, jusqu’au 29 juin, Ed Cross Fine Art, Londres (GB)
https://www.edcrossfineart.com/exhibitions/46-anya-paintsil-we-are-all-made-of-ed-cross-fine-art-at-19-garrett-street/overview/
RC (ZO mag’)
Photos: DR and by courtesy Ed Cross Fine Art
A lire: https://artuk.org/discover/stories/seven-questions-with-anya-paintsil
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Repères : Anya Paintsil (née en 1993 à Wrexham, Pays de Galles) est une artiste galloise ghanéenne qui vit à Chester (GB). Elle a obtenu son BA en beaux-arts à la Manchester School of Art, de Manchester (2020).
Expositions :
2020 : 1-54 Contemporary African Art Fair à Somerset House, exposition individuelle, Londres (GB).
2021 : Glynn Vivian, Pays de Galles (GB).
Maker’s Eye, The Craft Council Gallery, Londres.
2022 : We Are All Made of You, Ed Cross Fine Art, Londres.
Collections permanentes :
The Whitworth, Manchester (GB).
Glynn Vivian, Swansea, Pays de Galles
Tullie House Museum, Carlisle (GB).
Elle est représentée par Ed Cross Fine Art à Londres.
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