RDC / Peinture / Mwenze Kibwanga / LA LIBERTE POUR PERSPECTIVE

Et puis la toile s’est ouverte, elle est devenue possible, sans contrainte extérieure, affranchie des lois habituelles de la perspective et de la proportion. Quatre ans après l’ouverture du Hangar (atelier local et populaire), Mwenze Kibwanga appartient à la première génération des résidents. Dans ces tableaux lumineux, une Afrique indépendante retrouve ses arpents de terre et de musique, ses danses, ses rivières, ses grands serpents pilleurs de nids. Et tout cela dans l’exubérance du pinceau. Mwenze est à l’image de Mode Muntu, Bela Sara, Pilipili Mulongoy , qui le précèdent à peine. Son trait est personnel, il ne doit à personne sa liberté, son mouvement, son choix de couleurs. Et le tableau est.

A l’initiative de cette liberté, Pierre Romain-Desfossés, ancien militaire français, fraîchement démobilisé de l’Oubangui-Chari, croit dans une peinture africaine libérée des lois de la perspective, de l’histoire occidentale et des croyances importées. Il invite donc ses jeunes résidents à se réinventer. Un exemple parmi d’autres, Bela Sara peint avec ses doigts les scènes quotidiennes. Mode Muntu va plus loin encore et trouve un nouvel alphabet de la forme qui présage les personnages de Keith Haring. Quant à Mwenze Kibwanga, sa composition joue par le trait. Le peintre hachure la toile, les corps, les danses, dans une retranscription synthétique de la vie traditionnelle. Parce que ce sont ces gestes qui l’intéressent et uniquement eux, sacrés et profanes, dans la vibration du trait, rendue à leur terre.

Fils de tisserand, Mwenze est né en 1925 à Kilumba, province du Katanga. Il n’est venu à Elisabethville que plus tard, vers ses 17 ans, poursuivre ses études de dessin… et se faire remarquer (1946) par un amateur belge. Le Hanger viendra un plus tard, lui proposer encore une autre voie, une autre liberté que celle du portrait. 

Pour la petite histoire, cette production du Hangar est longtemps restée dans une totale ignorance des amateurs d’art. Elle constitue pourtant un chaînon essentiel dans le développement de la peinture contemporaine congolaise. Il a fallu attendre en Europe l’exposition « Beauté Congo » à la Fondation Cartier en 2014-2015 pour que ce silence se dissipe. Mwenze Kibwanga, disparu en 1999, est donc resté hors son pays et quelques rares collectionneurs, très méconnu. Ce n’est plus le cas, pour preuve l’acquisition de ces travaux par le Museum of Modern Art (New-York). D’où l’importance de cette vente Stanley’s à Bruxelles, le 30 juin prochain. Trois pièces essentielles, dont un retour de la chasse et une danse cérémoniale, nourris de cette vibration unique. Ni titre, ni lieu, aucun temps qui les astreigne. La peinture de Mwenze fonctionne sur un tempo d’éternité.

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Modern and contemporary art, le 30 juin 2022, Stanley’s auction, Kouterveldstraat, 2-4 1831 Diegem (Belgique).
RC (ZO mag’)
Photos: by courtesy Wilagama et Stanley’s auction.

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