Maroc / Plasticienne photographe / Hasnae El Ouarga / A LA VITESSE DE LA LUMIERE

Quand il présente l’exposition « Femmes photographes » en mars dernier, Sofiane Errahoui émet tout de suite un regret. Dans ce lieu voué à l’image « fixe » (musée national de la photographie de Rabat), il souhaite que la photographie témoigne d’autres recherches que ses territoires habituels. « La photo conceptuelle et expérimentale n’est jamais mise en avant. Or, aujourd’hui, la photo n’est plus seulement un support mais un médium offrant de larges possibilités créatrices. », dira-t-il. On pense alors à Christian Schad et Man Ray (1919), ou plus anciennement à William Henry Fox Talbot (1838) qui débordent du cadre et prospectent ces territoires inconnus de la lumière brute. Pour en revenir à Rabat, Sofiane Errahoui a donc invité parmi ces artistes, Hasnae El Ouarga dont les recherches s’attachent justement à cette enquête sur le temps et le rayon révélateur.

Dans son atelier de la Fondation Montresso, la jeune femme vient d’entamer un travail singulier sur la photographie « solaire ». Sur le sol, des dizaines de papiers sensibilisés, des feuilles recouvertes de cailloux ronds, ramenés des lunes lointaines. Ici, il n’existe aucune mode de révélation autre que le corps de l’objet lui-même, une solution d’eau et un mélange chimique (cyanotype) dont la feuille est enduite, et une étoile, un soleil, la lumière d’une lune peut-être, qui a voyagé au-travers de l’espace et vient se fixer sur cette surface réceptive. Hasnae El Ouarga utilise les mots de façon très attentive. Dans son travail qui s’intitule « Fragments d’une mémoire anonyme », elle parle « d’un travail qui est basé sur la double exposition pour traduire la double temporalité dans le rêve ». Le bleu cyan fonctionne effectivement comme une cartographie métisse, qui fixe sur le ciel en papier, des poussières terrestres, dans une origine géologique permanente. C’est de notre terre qu’il s’agit, de notre temps immense, de notre origine, sans que la pensée humaine ne vienne codifier cette rencontre.

Il y a une dizaine d’année, la photographe marocaine travaillait à la pellicule Kodak T Max qui est une 400 asa, recommandée pour le reportage. Elle fixait sur la pellicule des femmes dans la médina, des hommes dans la patience d’un bus. Un peu plus tard, l’image a commencé de se déformer, c’est-à-dire d’arrêter d’être arrêtée et figée en une forme unique. Elle travaillait en même temps sur le cinéma, le théâtre, elle s’intéressait au mouvement.

Aujourd’hui, dans une recherche qui va à la limite du possible, elle vient chercher le temps et son vecteur de traçabilité le plus ultime qui est la lumière. Ne mesure-t-on pas le temps sidéral dans le déplacement des photons ? Sur cette feuille blanche et bleue, balayée de rayons cosmiques et que sa main scrute et gratte, se révèle une temporalité quotidienne et éternelle. Le soleil est distant de quelques minutes, mais aucune main ne peut franchir cette distance. C’est une autre distance que la peinture cosmique d’Hasnae emprisonne et libère. Un temps fait de vent solaire.

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos RC

Repères:
Hasnae El Ouarga est née à Salé en 1993. Elle a suivi ses études à l’Ecole supérieure des arts visuels de Marrakech et se spécialise en cinématographie. Diplômée en 2015, elle collabore sur plusieurs films documentaires, tout en continuant sa pratique de photographie qui l’accompagne depuis ses 14 ans.
Elle vit et travaille à Marrakech (Maroc).

A voir : Hasnae EL OUARGA – Montresso

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