Maroc / Abdellah El Haitout / un tableau… / CE QUE LE TEMPS REMET EN COULEUR

Jaune. Et pourtant, ce n’est pas seulement cette couleur qui débute le tableau. Alors on dira un souvenir nécessaire, comme de voir sur le lopin de terre, un endroit qui a été remué. Un endroit jaune que l’on reconnaît. Depuis de nombreuses toiles, Abdellah El Haitout peint des espaces construits de blanc. Comment le dire autrement ? Le blanc est une couleur qui révèle. Il fait penser à ces tissus posés sur des meubles, dans des maisons fermées. Ce n’est plus un meuble, mais une forme qui échappe. De la même manière, le peintre marocain fait apparaître des éléments. Ils peuvent être liés à des lieux, des lumières assommantes, des bouts d’écriture, un déplacement. En somme des signes à partir desquels le tableau prend sa matière. Et là, c’est un carré jaune ?

Si la couleur n’est pas au commencement de la toile, elle va arriver de façon intime. Abdellah El Haitout explique que la période (2019) est compliquée, qu’il se perd dans une multitude de questions. Il dit se perdre pour partie dans la confusion et avoue le besoin de revenir à des choses essentielles. Celles-ci se situent parfois à la « marge » du tableau. Le tableau commence par le déroulement de quelque chose. Il a un avant, dans une dimension qui tient de l’enfoui. Dans un texte sur les fonctions de la couleur et du collage, le peintre évoque son origine bédouine. « Je me considère comme une production d’un imaginaire d’une culture rurale. J’essaie d’être simple et abstrait, » écrit-il. « La technique de dissimulation ou de démonstration est faite par ma culture rurale. Je viens de la culture du trésor et de l’enfouissement dans la motte. » Le blanc est de cet ordre, une recherche de la transparence. Dans ce chemin de terre, les ambiguïtés se révèlent, et c’est ce qu’il recherche.

Ce jaune est une transparence, à l’image du blanc, parce qu’il met au jour un autre temps. Si vous l’observez avec attention, il ne s’agit pas d’un jaune éclatant. C’est un lieu ancien, dont il semble avoir le souvenir. Là encore, le peintre évoque ce besoin. « Ce que nous avons vu dans l’enfance nous guide jusqu’à la fin. Je suis prisonnier des icônes de l’enfance. Tout le temps, (elle) me guide derrière son registre visuel. » Le jaune appartient à cet héritage, du déjà ressenti, en un autre temps, et vers lequel il est revenu, un lieu particulier, fondateur, comme le lever du jour sur un arpent de terre.

Bien sûr, il ne s’agit que d’une lecture, une possibilité du tableau, et qui vient au bonheur de la couleur, dans une sorte d’innocence elle aussi. A quel moment, la toile éprouve-t-elle ce besoin d’abstraction, de simplicité absolue et d’innocence réparatrice ? A quel instant, ce jaune tient de l’évidence ? La confusion n’a plus de prise, juste le silence de l’espace ouvert, et que rien ne contraint. Ce jaune est libre.

« Le peintre a besoin d’un répertoire d’innocence et de spontanéité, comme les enfants, d’autant de pureté mentale que les soufis éminents. Ainsi, je me trouve rêveur d’un atelier dans les montagnes, là où règnent le vide, la quiétude, la pureté et la vue lointaine. » Abdellah El Haitout

Untitled, mixte sur toile, 0, 30 x 0, 30m (2019)
RC (ZO mag’)
Photos : Abdellah El Haitout

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