Sur un carton déplié (qui n’est donc plus un carton prêt à l’emploi), Gatien Mabouga peint un corps en morceaux. Des jambes, des bras, dans un total désordre, puis une tête qui n’est pas africaine, et ça n’a aucune importance ! Sa peinture serait-elle contenue pour partie dans cette œuvre datée de 2022 ? Des morceaux épars qu’il faut rassembler pour être. Des fragments sans aucun mode d’emploi et qu’il faut envisager avec le plus grand sérieux.
Gatien Mabounga associe souvent l’atelier et un « garage ». Voilà un espace sérieux, où les choses sont assemblées avec soin. On se rappelle alors que le peintre de Pointe-Noire a suivi au début des études de chaudronnerie et qu’il répugne à se dire peintre. « Je ne sais pas dessiner. Je bricole. C’est pourquoi je souligne mes personnages d’un cerne épais », dit-il de lui-même. Comme si ce trait confirmait le contenu et l’arrêtait une fois pour toute. Dans le doute, c’est un moyen de maintenir en place ce corps qui risque sinon de partir en morceaux. Fichue tête, diable de corps, à l’image de cet autre tableau qui accouche au bas de la toile d’un taureau rouge (encres sur carton, 2022). Permanence de la bête et de l’homme… et de la femme qui ne donne pas sa part au chien et jette ses jambes dans la danse !


C’est une peinture exaltante et exultant, une peinture qui roule des chairs puissantes, qui accouple et tranche dans le vif, un travail qui n’hésite pas à cogner dur sur ce qu’on doit enfoncer. Est-ce le sens, est-ce la couleur , ou bien la nécessité de faire entendre ?
Lu dans un article que Gatien Mabounga utilise un pinceau ou une brosse au départ du tableau, et qu’il ira au bout avec le même outil. Peut-être que la parole du tableau est dans ce pinceau précisément, et qu’aucun autre ne pourrait convenir. Ouvrier attentif, qui va de l’établi au corps étendu de la toile, ce corps si souvent nu, dans des couleurs fauves, ce corps qui ne s’appartient pas tout à fait, incertain et tendre, pensif. Et cerné d’un trait noir, comme d’une consolation.
,

RC (ZO mag’)
Photos DR et G. Matounga
Repères
Gatien Mabounga est né le 19 décembre 1964 à Pointe-Noire (Congo). Il a suivi des études de chaudronnerie avant de s’intéresser au cuire, la reliure, puis les techniques de la reliure. Le cuir sera son premier support de peinture, avant d’expérimenter d’autres matière (feutrine, bois, filets d’emballages…)
Il vit et travaille en France depuis 1989.
Laisser un commentaire