Cette fois la couleur s’est éteinte. Et la poussière reprend possession. Amère. Sombre, comme un matin sans eau, sans école, sans le père et sans la mère, dans la ruelle déserte. Il n’y a pas de couleur, parce que la vie s’en va et que la ville se vide. Agnès Tebda peint le départ. Ce moment est sans joie. Obligé et effrayant, comme de marcher vers l’abîme.
En janvier 2021, l’ONU a rappelé que les pays du nord Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger) avaient enregistré 2, 9 millions de migrants. En quelques mois, les villages se vident, les champs sont abandonnés, les barques se remplissent et chavirent. Conséquence directe de l’exode, la mort mais aussi l’esclavage des enfants et des adultes, la traite, l’exploitation sexuelle. Trois millions de personnes, pour lesquelles aucune porte ne s’ouvre. La couleur n’a plus beaucoup de place dans ce tableau.
Il y a deux jours, Agnès postait sur les réseaux le prix prochain du pain. Il passe à 200 francs la baguette, soit 35% d’augmentation. Sur son tableau, les personnages regardent vers l’extrémité de la toile, comme on regarde un horizon à venir, ou un endroit que l’on ne verra plus, ou une illusion, un mirage. Ils ont la même couleur que la terre qui les porte, ils sont faits de sable, l’harmattan souffle sur eux, leurs yeux sont ouverts, mais aucune lumière n’y brille. Ils ont plus de trois millions qui marchent en un long convoi, et dont personne n’entend les pas.
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« Cri du coeur’, technique mixte, terre, café, acrylique sur tissu, 40 sur 63 (2022)
RC (ZO mag’)
Photo: Agnès Tebda
Contact artiste: https://www.facebook.com/tebda
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