Ce n’est pas un cauchemar, même si ça y ressemble très fort. Davood Koochaki a plus de soixante ans quand il commence à dessiner ces personnages sombres, massifs, comme des fauves silencieux tapis dans les forêts. Jusque là, il était mécanicien, propriétaire d’un petit garage, à Téhéran. Ses tableaux sont sombres comme l’huile qui tombe des moteurs. A l’âge de sept ans, on l’a enlevé de l’école pour travailler dans les rizières avec ses parents. Quand il arrive en 1952, dans la capitale iranienne, il s’enivre la nuit en compagnie des peintres et des écrivains. Qu’il sache à peine lire et écrire n’a aucune importance. Leur folie lui plait.


La comparaison avec Bill Traylor (USA)revient à l’esprit. Ou encore d’ Ataa Oko Addo (Ghana) . L’un et l’autre ont représenté dans la vieillesse leur vie et le rêve qui les poursuivait, esprits, chiens féroces, cercueils posés dans la terre. L’obsession jamais ne vous quitte. Davood Koochaki figure un monde étrange, comme une fécondation en train de s’accomplir, des mères qui portent des enfants, des oiseaux sombres qui veillent sur les corps, des monstres obèses, dont le sexe pend et les regards vous fixent. Ce sont des familles souvent, parce que les monstruosités ont le droit de se reproduire et de peupler ce monde insane de cris et de plaintes.
Ce n’est pas un cauchemar, mais une représentation cruelle comme pourrait l’avoir dessinée Antonin Artaud, dans la profondeur d’un atelier, ou d’un ventre. Il fallait le faire, avant que tout disparaisse dans l’épaisseur du mur et continue à ricaner. Vous avez vu ces dessins : ces créatures mongoloïdes ne trahissent aucune peur, aucun effroi. Elles sont les maîtresses du monde.
Actuellement visible à DRAWING NOW ART FAIR, galerie Polysémie, du 19 au 22 mai, Carreau du Temple.
RC (ZO mg’)
Photos DR by courtesy Ville de Lausanne, Collection de l’Art Brut, et galerie Polysémie (Marseille).
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