C’est une femme dans un palais d’Espagne. Une reine. L’or apparait à sa fenêtre, à l’ouest, donc au couchant. Cet or est celui des Amériques. La reine est dans son château, ou la solitude du pouvoir absolu la tient recluse. C’est d’ici qu’elle prend la décision de la vie et de la mort. Ses dentelles sont comme des chiens assis à ses pieds.
Dadee Andrianaivoson réalise avec cette composition (2021) l’un de ses portraits les plus classiques. Effectivement, les peintres du 16 et 17ème siècle figurent ainsi la puissance austère des rois et des reines. Solitude et position hiératique, pourrait-on dire. Le peintre malgache a pris ici pour modèle Isabelle I, dite la Catholique, personnage pour le moins controversé. Son histoire recèle en effet de profonds abîmes. Elevée par une mère folle, sensible, adolescente, à la poésie et la musique, elle devient plus tard avec son frère Ferdinand l’instigatrice de l’Inquisition. Massacres généreux, flots de sang et de larmes, c’est également sous son règne que la persécution des juifs se matérialise. Et comme l’Espagne a pleinement reconquis la péninsule, au terme de l’occupation arabe, elle tire une immense richesse des biens musulmans qu’elle s’approprie. Isabelle la Catholique pose donc sur le tableau de Dadee, imperturbable, l’accomplissement de sa tyrannie. La composition rigide le confirme en tous points. Jusqu’à ce carrelage, dans un vertige quasi expressionniste (Caligari) qui chavire le champ de la perspective.
Mais ce n’est pas tout. Le cadre d’or le rappelle, c’est aussi elle qui finance la conquête des Amériques. Dadee Andrianaivoson s’en est souvenu. La traite négrière prend son origine à cette époque. Dans ce palais froid, dans cet alcazar métallique, le tableau pose les ombres et la lumière du meurtre à venir.
The Queen Got a Mask, Print 0, 40 x 0, 40 m (2021)
Contact artiste : (20+) MoovMainty | Facebook
RC (ZO mag’)
Photo : © Dadee Andrianaivoson
zoes.fr 
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