L’autoportrait est une question nécessaire. Il aide à mieux se comprendre. La peinture est une fichue question qui mérite qu’on y mette un visage. Mais lequel ? Le sien propre, celui qui est le plus plaisant, qui correspond le mieux à son époque, ou alors un visage de soi qui soit un parfait étranger ? Didier Viodé continue de s’interroger comme le faisait George Maciunas et le mouvement Fluxus (1963). Sa série « Gbèto/Human », débutée en 2020, est un miroir à sa position d’homme, de peintre, de militant aussi, parce que la position est toujours militante, elle affirme. Ou alors elle n’est qu’une ombre, une fuite. Les peintures de Didier Viodé ne sont pas des fuites.
Une cinquantaine de portraits ont ainsi été menés. Ce sont à chaque fois des instantanés d’émotions ou de décision, dans ce confinement révélateur d’états. Et pour cela il peint. Ce n’est le moindre mérite de ce travail. Là où d’autres ont effacé les visages, rendu au noir anonyme, Viodé les réveille. Il en fait jaillir des instants, des scénarios, des stupeurs. A l’image de ce toile adolescente qu’expose aujourd’hui Foreign Agent, certainement l’une des plus belles, un profil tendu, dans l’attente d’une réponse, bleue et suspendue.

Cinquante (auto)portraits qui font penser à ces visages que l’on voit dans une foule, sur lesquels il ne vient aucun nom, mais qui révèlent tous une vérité. Nous sommes à nos propres yeux, des inconnus, à certains instants de la peinture ou de la vie, dans l’attente d’un visage arrêté. Mais la foule l’emporte, il a déjà disparu.
Et puis il y a cette femme qu’un policier emmène. C’est une femme noire, dans une rue américaine. C’est une femme qui se retourne et regarde derrière elle. Viodé l’a peinte dans une totale économie des moyens, juste par l’expression du corps et de la tête. L’histoire est celle d’une arrestation. L’histoire est celle de la communauté noire en Amérique, et qu’un peintre africain a choisi de dire, parce que ce temps est le sien, parce qu’au terme de ces mois d’enfermement, il faut garder nos mots ouverts, notre proximité à ce monde en état de fonctionnement. Position militante et peinte.
J’ai toujours travaillé sur la figure. Mais en mars 2020, dès le premier confinement Covid-19 en France, je me suis concentré sur mon autoportrait. J’avais besoin de m’échapper et de faire une introspection picturale sur moi-même. Didier Viodé
« Gbèto/Human », Didier Viodé, Foreign Agent (Lausanne), 1-54 New York, du 19 au 22 mai 2022.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : DR and by courtesy Foreign Agent
Contact de l’artiste:
Mail: didiv5@yahoo.fr
Tél.: Tél: +33(0) 6 74 92 93 89
Repères:
Didier Viodé , originaire du Bénin, est né en Côte d’Ivoire en 1979. Il débute ses études à l’Institut National Supérieur de l’Art d’Abidjan, puis les poursuit en France (Ecole des beaux-arts de Besançon, Diplôme DNSEP), au moment de la crise ivoirienne. Il vit aujourd’hui entre la France et l’Afrique.
Expositions individuelles (sélection)
2022: Regarder le monde, Septième gallery, Paris, France.
2019: L’envoi, Conseil régional de Bourgogne, Dijon, France.
2018: Les Marcheurs, Harn Museum, Gainesville, Florida, USA.
2015: Entre deux mondes, Bains Douches, Besançon, France.
2013: Les Marcheurs, Arc-lès-Gray, France.
2012: L’Odyssée Humaine, Coutances, France.
2012: L’Odyssée Humaine, Coutances.
2010: Paroles de Femmes, Théâtre de l’Espace Besançon, Besançon.
Paroles de Femmes, Institut Français de Cotonou, Cotonou, Benin / Les Marcheurs, Cajarc, France.
2009: Voyage vers l’illusion, Vesoul, France.
2008: « Étranger sans rendez-vous », Besançon.
Dernières expositions collectives:
2022: Winner Takes all, Marianne Boesky, New-York, USA.
2020: L’AUTRE, Septième gallery, Paris, France.
2019: « Là où l’âme se plaît », Château de Tanlay, Tanlay, France.
L’Afrique au-delà des masques, Galerie de l’eau, Viroflay, France.2018 – Empreintes, La Rochelle, France.
2017: Paris-Cotonou-Paris, septième étape, galerie Vallois, Paris.
2016: AKAA (foire d’art contemporain africain et de design), Paris.
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