Il y a beaucoup de raisons à craindre l’océan. Les grands fonds sont à l’image du cosmos, aussi obscurs, aussi impénétrables, et les corps s’y enfoncent sans aucune chance de retour. Enfant, Lavar Munroe avait une peur absolue de la mer. Seuls les enfants ont des épouvantes pareilles. La raison tenait à une expérience personnelle qui avait failli tourner au drame. Bref, le jeune garçon a toujours vu dans cet élément matière à toutes les réticences et en même temps toutes les curiosités. Sa peinture s’en souvient donc et elle s’intéresse désormais à ce que mer peut représenter pour l’humain de catastrophes et d’asservissement, d’infortunes répétées, de naufrages perpétuels. Il ne s’agit plus de son traumatisme personnel mais de celui de peuples entiers, sur cette même barque, qui vont en aveugles d’un rivage à un autre, d’une obscurité à un tombeau.
Il est rare que le titre d’un tableau, et moins encore les matériaux qui interviennent dans la toile, vous renseigne sur la nature d’un travail. Ici pourtant, ils peuvent aider le visiteur. Lavar Munroe n’est pas un artiste bavard. Il a des choses à dire et la toile pour beaucoup doit suffire. Dans cette exposition londonienne, il semble d’ailleurs prendre un certain plaisir à donner les éléments associés à sa peinture. Et cette énumération (fausse fleur et branche d’arbre, boucle de ceinture, corde, collier, postiches, or, piège à souris et pilules sur toile) fait immédiatement penser à ce que la mer rejette après le naufrage, en somme ce qu’elle rend au rivage. Les tableaux exposés tiennent alors d’une nomenclature du désastre. Lavar Munroe est sur la plage et rassemble ces témoignages pour reconstituer le drame.


De la même manière qu’il le fait sur ces dernières œuvres, le peintre n’a cessé de recomposer ce qu’il était, sur base de ses expériences passées. En somme de ce qu’il reste au matin, une fois la tempête terminée. Si bien qu’il refuse toujours à répondre à une identité singulière. A l’image de ses tableaux épars, le peintre des Bahamas affirme un pluriel intime. En cela, il rappelle d’autres artistes des Caraïbes ou d’Afrique qui refusent d’être classés comme des artistes noirs. La réalité est bien plus complexe. Des rivages multiples dessinent sa géographie personnelle. Le tableau est balayé par les vents, emporté sur des vagues monstrueuses. Jamais la peur ne se dissipe. La tempête est permanente.
« Des crocodiles se cachent en arrière-plan en attendant un repas potentiel. Un jeune garçon vomit abondamment dans l’océan pendant que le capitaine fait de la musique à l’aide d’une scie à main rouillée et d’une branche de rose. Les passagers sont dans un quasi-état de transe et de terreur en attendant de connaître leur sort. » Lavar Munroe
« Of seafaring », de Lavar Munroe, du 11 mai au 6 juin 2022, Jack Belle Gallery, Londres (GB)
https://www.jackbellgallery.com/exhibitions/134-lavar-munroe-of-seafaring-men/overview/
,

RC (ZO mag’)
Photos: by courtesy Jack Bell gallery
« And If Ya Drown », Ya Drown, Acrylique, fausse fleur et branche d’arbre, boucle de ceinture, corde, collier, postiches, or, piège à souris et pilules sur toile, 2, 13m x 3, 65m (2021).
Repères:
Munroe est né en 1982 à Nassau, Bahamas. Il a obtenu son baccalauréat en beaux-arts du Savannah College of Art and Design (2007), puis une maîtrise en arts visuels à l’Université de Washington (2013).
Il vit et travaille à Baltimore (USA).
Récentes expositions (* pour les expos personnelles)
2020: Artists’ Breath, Ichihara Lakeside Museum, Ichihara (Japon).
Father Alone, M+B Gallery, Los Angeles (USA).
Kampala Biennale, Kampala (Ouganda).
100 Drawings Until Now: The Drawing Center, New York, NY.
SHOW ME THE SIGNS, Blum & Poe Gallery, Los Angeles, CA.
*Laird Street Apostles: Jack Bell Gallery, Londres (GB)
Shifting Gaze: A Reconstruction of The Black & Hispanic Body in Contemporary Art: Virginia Museum of Contemporary Art, Virginia Beach, VA.
*A Time When? (Solo at The Armory Show): Jack Bell Gallery, New York, NY.
2019: Ultrasanity: On Madness, Sanitation, Antipsychiatry and Resistance – at SAVVY Contemporary, Berlin (Allemagne).
PAINTING IS ITS OWN COUNTRY: The Harvey Gantt Center, Charlotte, NC.
When the Bough Breaks: 937 Gallery, Pittsburgh, PA.
* Strangers in the Night: Jack Bell Gallery, Londres (GB).
Coffee, Rhum, Sugar & Gold: A Postcolonial Paradox Museum Of African Diaspora, San Francisco, CA.
The Other Side of Now: Perez Art Museum, Miami Florida.
Get Up Stand Up NOW: Somerset House, Londres.
2018: Shifting Gaze: A Reconstruction of The Black & Hispanic Body in Contemporary Art, Mennello Museum of American Art, Orlando FL.
*LAVAR MUNROE: Return – Magic Flight The National Art Gallery of the Bahamas, Nassau (Bahamas).
Off Biennale Cairo: Something Else, le Caire (Egypte).
*LAVAR MUNROE: Son of the Soil: a 10 year Survey The National Art Gallery of the Bahamas, Nassau (Bahamas).
*LAVAR MUNROE: Devil in a White City Meadows Museum, Shreveport, LA.
*LAVAR MUNROE: Rudeboys Like We Jack Bell Gallery, Londres.
Becoming American, Studio e, Seattle, (WA) and English Camp (San Juan Island, WA)
The Eye Sees Not Itself Nicodim Gallery, Los Angeles, CA.
Lavar Munroe & Rodrigo Valenzuela : Disobedience Jenkins Johnson Projects: Brooklyn NY.
2017: « Medium: Practices and Routes of Spirituality and Mysticism » The National Art Gallery of the Bahamas, Nassau.
Prospect New Orleans 4, New Orleans, LA.
To Journey Where There is No North Star? The Museum of Contemporary African Diasporan Arts (MoCADA): New York.
*GUN DOGS Jack Bell Gallery: Londres.
Devil in Disguise Jack Bell Gallery: Londres.
*Never Again Human NOMAD Brussels: Bruxelles (Belgique).
Afriques Capitales, La Villette, Paris (France).
2016: Viewpoints, Jenkins Johnson Gallery: San Francisco, CA.
Ontology of Influence: Ron Leax and Alumni Exhibition, Des Lee Gallery, St. Louis, MO.
Laisser un commentaire